« Le quatrième Commandement »

 

Dialogue d’un père avec son fils…

 

-         Papa !

-         Oui.

-         Je suis allé au catéchisme aujourd’hui.

-         Oui, mon enfant. Qu’as-Tu appris de beau ?

-         Monsieur le curé, il a dit que les enfants devaient honorer leurs parents. C’est le quatrième Commandement que Dieu a donné au Prophète Moïse.

-         Le curé a dit vrai en disant que le quatrième Commandement a été donné par Dieu à Moïse. Alors quel est ce Commandement ?

-         Monsieur le curé, il a dit que c’est : « Tu honoreras ton père et ta mère ! » C’est quoi « honorer », papa ?

-         C’est rendre honneur à ; cela veut dire faire en sorte que celui qui honore puisse être fier de celui qui est honoré…

-         J’ai un camarade, Luc il s’appelle, qui ne peut pas honorer son père…

-         Ah, oui ? et pourquoi ?

-         Luc, il dit que son père boit.

-         Au moins il peut honorer sa mère !

-         Non, il dit qu’il ne peut pas, non plus.

-         Et pourquoi donc ?

-         Il dit qu’elle est souvent en colère et de mauvaise humeur et que c’est pour cela que son père boit.

-         Chez lui cela ne doit pas être gai tous les jours, alors ?

-         Non, il dit que sa mère n’a aucune retenue, que souvent elle se lève tard le matin, de sorte que Luc est obligé de se préparer son petit déjeuner tout seul, et que l’atmosphère est souvent tellement lourde qu’il préfère aller tout seul dehors…

-         Hum ! je vois…

-         Souvent ses parents se querellent et se disent des paroles méchantes. Des fois, « ils se traitent ». Une fois, Luc il a vu sa mère avec un autre homme et aussi son père avec une autre femme. Un jour, ils se sont même battus, la mère de Luc a giflé son père, alors le père de Luc l’a jetée à terre et elle s’est durement cognée contre la pendule…

-         Hou là, là ! Il n’a pas de chance ton camarade Luc !

-         Dis papa, est-ce que Luc, pour obéir au Commandement, il doit quand même dire du bien de ses parents et faire comme s’il était fier d’eux ? Luc, il connaissait déjà le Commandement parce qu’il redouble et il dit que, depuis ce temps-là, il ne dort pas la nuit en pensant au Commandement et à ses parents…

-         Hum ! cela mérite réflexion… Je vais en parler avec le curé…

-         Luc, il a vu sa mère, habillée de court, qui riait très fort avec plein d’hommes et il me dit qu’il la méprise. A-t-il tort ?

-         Hum ! Il me semble que l’estime ne peut pas être commandée ; sinon elle n’est pas naturelle, elle n’est pas sincère, elle n’est pas vraie. Elle doit être ressentie. Elle ne peut être forcée chez quelqu’un qui ne la ressent pas spontanément.

-         Mais alors, si c’est comme Tu dis, pourquoi le Commandement dit-il d’honorer son père et sa mère ? Est-ce que Dieu voudrait nous demander une chose impossible ?

-         (Silence embarrassé) … Je ne sais pas !

Le père va ensuite trouver le curé ; d’où il en ressort le dialogue suivant :

-         Bonjour, Monsieur le curé, je suis venu vous trouver, parce que mon fils m’a posé une question qui m’a embarrassé et à laquelle je ne sais pas répondre.

-         De quelle question s’agit-il, Monsieur Martin ?

-         Eh bien voilà ; pour ma part j’avais - et j’ai toujours la Grâce d’avoir - des parents admirables, de sorte que l’accomplissement du quatrième Commandement ne m’a jamais posé de problème.

-         Serait-ce le cas pour votre fils Paul ?

-         Non, point du tout ! Du moins, je le suppose…, mais il me dit qu’il a un camarade dont les parents ne sont pas du tout estimables.

-         Je crois savoir de qui il s’agit… Malheureusement, il y a longtemps qu’ils ne viennent plus à confesse ni l’un ni l’autre.

-         Alors, voici la question : Comment ce jeune homme peut-il faire pour observer ce Commandement qui dit : « Tu honoreras Ton père et Ta mère ! » ?

Alors, péremptoire, le curé se dresse en arrière et affirme :

-         Il doit les honorer, tout simplement, et non pas les juger !

-         Et pourquoi s’ils ne sont pas honorables ?

-         Parce que … (silence embarrassé).

-         Parce que ?

-         Parce que … c’est un Commandement Divin !

Et là-dessus, le curé, coupant court, tourne les talons.

Jean Martin s’en repart en se grattant la tête et en méditant sur les « impénétrables Voies de Dieu »…

Jean Martin est ennuyé, car la question de son fils lui semble légitime, la réponse du curé ne le satisfait pas. Il ne croit pas, dans le fond, que les Voies de Dieu soient si impénétrables que cela… Dieu aurait-Il voulu donner à Ses créatures des Commandements qu’ils ne puissent comprendre, de sorte qu’ils ne puissent pas joyeusement les mettre en application, avec tout l’élan de leurs âmes ? Non, cela est impossible ! La Perfection Divine ne cadre pas avec cela.

Alors pourquoi ce Commandement ainsi formulé ?

Jean cherche longuement, avec persévérance, et, ainsi que Jésus l’a dit : « Qui cherche trouve ! », un jour, dans une vieille bibliothèque, il trouve un très vieux petit livre, en langue allemande, intitulé « Die zehn Gebote Gottes ».

Jean ne comprend pas l’allemand, mais il est attiré par le petit livre, le prend en main et, en le feuilletant, vu la répartition de l’ouvrage en dix chapitres, comprend qu’il s’agit des Dix Commandements et d’une explication à leur sujet.

Il regarde le titre du chapitre IV et lit : « Das vierte Gebot : Du sollst Vater und Mutter ehren ! » Bien qu’ignorant l’allemand, il devine vite l’énoncé : « Du » lui fait penser à « Tu », « Vater » ressemble à « Pater » comme il est dit à la messe, « Mutter » - qui lui rappelle « Mutti » - veut sûrement dire mère. Il se rappelle avoir entendu qu’en allemand les verbes étaient souvent rejetés à la fin de la phrase ; « ehren » - cela ressemble aussi un peu au français - doit vouloir dire « honorer ». La phrase est donc l’énoncé du quatrième Commandement : « Tu dois honorer Ton père et Ta mère »… Pourtant, non ! il y a quelque chose de différent ! Devant « Vater » et « Mutter », il ne semble pas y avoir d’adjectifs possessifs. Alors ? Alors, faut-il traduire autrement, par : « Tu dois honorer Père et Mère ! » sans adjectifs possessifs ? Mais s’il n’y a pas d’adjectifs possessifs, cela change quoi ? « Tu dois honorer Père et Mère ! », cela ne désigne plus des personnes précises. Cela pourrait-il vouloir dire : « Tu dois honorer l’état de Père et l’état de Mère ! » ? Ou encore: « Tu dois honorer la Paternité et la Maternité ! » ? Mais si c’est le cas, qui, alors, se doit d’honorer, en premier lieu, la Paternité, si ce n’est le père lui-même ? Et qui se doit d’honorer la Maternité, si ce n’est, en premier lieu, la mère elle-même ?

Mais alors, ça change tout ! Le petit Luc n’est plus obligé d’honorer son père si son père n’honore pas lui-même sa condition de père par un comportement à la hauteur ! Et pareil pour sa mère ! Donc tout s’explique, il n’y a plus de problème !

Jean Martin jubile : « Ah ! si l’on m’avait dit que je trouverais la Lumière dans un livre écrit dans une langue que je ne connais pas ! »

Il court voir son fils Paul et lui dit joyeusement :

-         J’ai trouvé la réponse à ta question, mon petit Paul !

-         Monsieur le curé T’a expliqué le Commandement ?

-         Non, pas lui ! je l’ai trouvée dans un livre !

Et Jean explique sa découverte à son fils Paul. Celui-ci lui adresse un grand sourire de remerciement et s’exclame, avant de se mettre à courir comme une fusée :

-         Vite ! je cours le dire à Luc !

Jean admire le travail que l’Illumination par la Vérité a instantanément réalisé dans l’âme de son fils et se réjouit vivement en pensant à la proche Libération de celle de Luc…

Tout d’un coup, il pense au curé et son sourire se fige. Le curé voudra-t-il, lui aussi, reconnaître la Vérité rédemptrice ? Le doute le saisit et étreint son âme. Pourra-t-il encore aller à la messe si le curé maintient sa dogmatique conception ? En un éclair, il voit nettement tout l’avenir se dresser devant son œil intérieur…


Jacques Lamy


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