Le tourisme mondial :
la profanation généralisée

 

 

En temps de « vacances » (bien nommées, parce que la vacuité humaine s’y manifeste encore davantage qu’en temps ordinaire !) re-surgit périodiquement une nouvelle espèce d’êtres humains – à moins que cela ne soit une espèce d’êtres in{fra}-humains ! - l’ « homo touristicus ».

L’homo touristicus veut tout voir et tout connaître dans le vaste monde. Alors il visite les pays de la Terre qui ont des choses à lui montrer.

Et, en dehors de leur beauté naturelle (les paysages de montagnes, forêts, côtes, mers, etc… - à l’existence desquelles les êtres humains n’ont aucune part mais dont ils se glorifient quand même !), que les différents pays – ou différentes nations – ont-ils/elles donc à montrer ?

Pour l’essentiel, pour ceux qui peuvent se glorifier d’avoir été, jadis, le théâtre d’anciennes et brillantes civilisations, des édifices, des monuments, des œuvres d’art.

Et l’homo touristicus veut voir tout cela. Il veut « faire le tour » de tout ce qui existe, tout visiter, jauger, photographier, filmer, « vidéoter », enregistrer, mettre dans ses boîtes.

À noter que les monuments en question sont, le plus souvent, des monuments religieux, tels que cathédrales, églises, temples, monastères, couvents, cloîtres, synagogues, mosquées, pagodes, etc., des différents cultes, avec toutes leurs riches décorations, sculptures, peintures, ornementations, etc.

Ils furent, en général, édifiés par des hommes de Foi, et c’est précisément leur Foi qui leur inspira, quel qu’en soit le genre, la réalisation de ces authentiques œuvres d’Art, que l’on admire encore aujourd’hui.

Et ils arrivent pour voir cela, les touristes, eux dont la religion se limite, pour la plupart et pour l’essentiel, à celle du short et de la crème à bronzer, sans oublier le camescope, la carte bancaire et le sac banane…

Et ils déambulent dans les édifices religieux, dans les cathédrales et les églises, de préférence - malgré des interdictions de pure forme - pendant les offices et les messes, parce qu’alors il n’y a pas d’entrée à payer, sous le regard le plus souvent atone des prêtres officiant là et de leurs « fidèles » !

S’agit-il là d’une réelle profanation ? Pour que cela soit le cas, il faudrait, a priori, qu’il se passât {encore} là quelque chose de vivant, mais de cela l’on peut fortement douter, car alors les prêtres-officiants devraient s’opposer à cela avec indignation et vigueur ! Mais, sauf rarissime exception, ils ne le font pas… Mais pourquoi donc ne le font-ils pas ? Pour différentes raisons, des générales et des plus précises…

Parmi les générales, il y a déjà le fait que le pouvoir – et donc aussi le prestige, la considération - des églises, et en particulier celui de l’église catholique, dans la société, a beaucoup baissé, de sorte que le clergé, jadis socialement dominant (comme en France, en particulier avant la Révolution, au temps de la noblesse et du tiers état), est maintenant contraint de faire, à son corps défendant, profil bas.

Parmi les plus précises, il y a aussi le fait qu’il n’y ait pas que la considération sociale qui ait baissé mais, encore en plus, allant de pair avec le reste, les finances des églises, de sorte que l’entretien des prestigieux monuments religieux, parfois couverts d’or, qui, jadis, incombait aux seules églises, incombe aussi maintenant, pour une large part, aux autorités civiles, collectivités locales, municipalités, organismes culturels d’état, etc.

Et pourquoi les autorités civiles, même dans les pays où églises et états sont rigoureusement séparés, payent-elles si volontiers pour l’entretien des édifices religieux, qu’ils soient encore ou non utilisés pour le culte ou la vie religieuse ? Tout simplement parce que ces beaux monuments, contenant tant de somptueuses peintures, sculptures, objets en or, etc., et étant aussi le plus souvent des œuvres d’art en eux-mêmes, constituent d’importants pôles d’attraction touristique, parce que c’est précisément cela que viennent voir les touristes du monde entier !

Certes, étant donné que, du fait de la baisse générale de la Foi en Dieu (celle de la foi dans la puissance de l’argent, dans le tiercé, le sport, le loto, etc., a, quant à elle, un nombre croissant d’adeptes !), les lieux de présence religieuse sont aussi, de plus en plus, progressivement désertés par les religieux eux-mêmes (une race en voie d’extinction !) - et c’est tout particulièrement le cas de nombreux monastères et couvents -, il y a aussi d’autres scénarios.

Par exemple, lorsqu’une communauté religieuse devient, comme il arrive souvent, économiquement trop faible, parce que, du fait de la baisse de l’effectif, elle est insuffisamment nombreuse et aussi, faute de renouvellement suffisant, trop vieille, etc, et donc lorsqu’elle ne peut plus assumer seule l’entretien du monastère et des locaux variés construits par leurs glorieux prédécesseurs, alors la municipalité de la ville où se trouve le monastère est souvent intéressée de reléguer le restant de la communauté dans un petit « coin » - où elle jouira non plus de son monastère et de ses austères beautés mais, à titre de dérisoire compensation, du confort moderne, en attendant que le dernier ou la dernière représentant(e) de sa « race » soit décédé(e) - et de transformer alors, avec accès payant, le monastère en musée, l’objectif étant toujours le même : promouvoir, pour le plus grand bien du commerce local,  l’afflux touristique dans la ville !

Quelle que soit la manière avec laquelle s’opère le retrait {du} religieux, le résultat est toujours le même : le désinvestissement spirituel, donc sacré, a pour inévitable conséquence l’investissement profane, donc matérialiste des lieux jadis sacrés et réalisés grâce à une puissante motivation spirituelle.

C’est quasiment là un principe de « vases communicants » : Moins il y a d’esprit et plus il y a de matière !

Les peuples modernes sont, en dépit de la technologie très supérieure dont ils disposent, bien incapables d’égaler, encore bien moins de surpasser, les puissantes réalisations du passé. Qui est, par exemple, encore capable de construire un Monument de la grandeur - à tous points de vue ! - de la Grande Pyramide de Guizèh ou de la Forteresse Inca de Sacsahuaman ? Personne !

En de nombreux Lieux jadis destinés au culte, il n’existe plus que la « coquille » vide, l’« emballage » extérieur, semblable au coquillage sur la plage, déserté par son ancien habitant, donc déserté par la vie qui l’a fait naître.

Les prestigieuses formes, même vides, demeurent, alors que le contenu, c’est-à-dire le vivant, ne fait qu’y passer...

Et ceux qui arrivent après regardent, perplexes, ces formes qui les épatent et qu’ils seraient, eux, de façon vivante, bien incapables de reproduire.

Alors, que font-ils ? Ils essayent d’exploiter financièrement ce qu’ils considèrent comme « leur » héritage, sans se rendre compte que la Vie les a abandonnés, eux, encore bien plus que les formes vides du passé !

Ou, plutôt, c’est eux qui s’en sont éloignés… Ils ne sont plus capables de créer des formes qui honorent la Vie qui les a fait naître ; seul les intéresse le fait d’en tirer un profit matériel ; ils sont devenus des saprophytes (ça profite à qui ?), à moins que cela ne soit des parasites

Si un monastère est déserté par ses moines morts et non remplacés et qu’il est transformé en musée, ce qui avait une vocation sacrée devient profane.

En fait, qu’il s’agisse de monuments déjà désertés ou en voie de désertification par l’esprit, la profanation est toujours effective. Toutefois, un Lieu simplement abandonné par l’esprit n’est pas encore un lieu profané. Ce qui provoque la profanation, c’est l’invasion touristique, que le lieu soit définitivement abandonné ou non.

Prenons le cas des nombreux tombeaux égyptiens scellés après l’enterrement de leurs occupants légitimes. Certes, de nombreuses sépultures ont été violées par des voleurs, attirés par l’or et le trafic des antiquités. Leurs motivations étaient carrément mauvaises : envie, cupidité, avarice, etc. Mais ceux qui ont profané d’autres tombeaux, comme celui dit de « Toutankhamon » dans la Vallée des Rois, mis au jour au début du XXème siècle par Howard Carter et Lord Carnavon, pour des motifs dits scientifiques ou culturels, sont-ils pour autant excusables ? Tout bien considéré, cela n’en constitue pas moins une première profanation, entérinée ensuite par le déferlement des hordes touristiques, polluant, par leur envahissante présence, tout sur leur passage !

Triste époque, en vérité, où rien n’échappe à l’homo touristicus, que ce soit la Grande Pyramide, les sites grecs et romains, Petra, Palmyre, les Temples d’Angkor, les cathédrales ou le Machu Picchu…

Tant de Monuments étaient et devraient encore être considérés comme sacrés, parce qu’ils sont des œuvres de la Foi humaine dans la ou les Puissances supérieures. Cela devrait toujours être respecté, même lorsque le Monument a été déserté par ses constructeurs, même lorsqu’il s’agit d’un tombeau

Seuls ceux qui sont capables de partager cette Foi ou, pour le moins, de communier avec elle, devraient encore être admis à l’intérieur des Temples et des Lieux de culte en tous genres ; tous les autres, sans exception, quels que soient leurs mobiles, sont des profanateurs !

Il vaut mieux que de tels Monuments tombent en ruine et que la Nature « reprenne ses droits sur eux » - car elle, au moins, ne les profane pas - que de voir y déferler les hordes touristiques.

Jadis, le Fils de Dieu Jésus chassa les marchands du Temple, à une époque où l’Irradiation de Son Père y était encore présente (« Vous avez fait de la Maison de Mon Père une caverne de brigands ») ; aujourd’hui, bien après que, lors de Sa mort ignominieuse sur la croix, le rideau se soit déchiré, exposant le Saint des Saints profané à la vue de tous – ce qui montre que Dieu le Père S’en était retiré -, et bien que le grand Rabbinat d’Israël continue à considérer l’esplanade du Temple comme un lieu sacré interdit aux Juifs pratiquants, Il ne Se donnerait, pourtant, plus cette peine, car, depuis le 7 Avril de l’an 30 [1], il y a près de deux mille ans que Dieu n’y habite plus et que le Temple n’est donc plus la Maison de Dieu sur Terre. Mais les marchands du Temple, eux, sont, « par amour des affaires », partout revenus et prolifèrent plus que jamais…

À terme, où la tendance actuelle va-t-elle conduire ? Sur une Terre où pratiquement plus aucune œuvre de l’esprit n’est produite ou construite, c’est la planète entière qui est transformée en musée, un musée dans lequel des « êtres {infra-}humains » aux pouvoirs créateurs – en réalité, formateurs – complètement atrophiés, faute d’esprit vivant en eux, viennent contempler les œuvres d’un glorieux passé, auxquelles, avant leur décadence, quelques-uns d’entre eux prirent part…

C’était en des temps où le Vent de l’Esprit soufflait encore en une part importante de l’humanité, lorsqu’il y avait encore des Peuples entiers liés à la Lumière ! Le dernier Peuple encore lié à la Lumière [2] a quitté la Terre depuis des siècles et les êtres humains actuels viennent contempler des œuvres auxquelles ils ne comprennent plus grand chose. Ils viennent contempler de somptueuses ruines, des ruines maintenant bien préservées uniquement à cause de l’afflux touristique, mais ce sont les ruines d’un passé mort, d’époques révolues…

Et personne – ou presque – n’y voit la preuve de l’effrayante décadence actuelle. Plus aucun peuple, plus personne n’est capable d’ériger des Monuments - si ce n’est des buildings de béton, de verre ou d’acier -, que l’on vienne admirer du monde entier. Tout le monde ne fait qu’exploiter financièrement les ruines du glorieux passé, alors que le présent n’a déjà plus rien à montrer et l’avenir encore moins !

Le Réveil ne viendra pas du tourisme, car les touristes sont atones, apathiques et amorphes ; ils ne sont même plus capables de se poser les bonnes questions, ce qu’ils veulent c’est uniquement poser eux-mêmes pour la photo, perchés sur leur petit ego, devant les ruines du passé, pour montrer aux autres qu’« ils y sont allés » et qu’« ils ont vu ».

Le Réveil viendra, pour quelques-uns, des événements de la Nature et des événements du Cosmos, qui interviendront avec suffisamment de vigueur pour en contraindre plus d’un à descendre de son piédestal et à se regarder comme il est : « Maître cerveau sur son homme perché » !

Pourtant, quelles qu’aient pu être les réalisations humaines du passé, les véritables êtres humains doivent savoir que leurs chefs-d’œuvre les attendent encore, c’est-à-dire des œuvres qui puissent réellement plaire à Dieu, lesquelles n’ont rien à voir avec la technique, vide et morte, que l’on essaye, pourtant, aujourd’hui, à grands cris et renforts de publicité, de présenter comme grande et valable…

Ce seront des œuvres de l’esprit - seul élément réellement vivant en l’être humain –, des œuvres qui surpasseront celles – qui réjouissent pourtant déjà tant nos yeux – des petits serviteurs de la Nature, donc des œuvres profondément humaines. Et, parmi celles-ci, il y aura des édifices d’une Beauté et d’une Harmonie aujourd’hui encore insoupçonnées.

Jamais ces œuvres-là ne seront, à l’avenir, offertes en pâture à des hordes touristiques uniquement dominées par leur curiosité intellectuelle, car, de par leur caractère sacré, l’on ne pourra y pénétrer que profondément recueillis. Sur cette Terre-là, il n’y aura plus de musée – où ne sont montrées que des choses mortes -, parce que toutes les réalisations humaines seront maintenues vivantes et pénétrées de Vie.

Toutes, elles n’auront, pour chaque être humain, qu’une seule raison d’être : Adorer et glorifier le Créateur par ses œuvres, car la grandeur des œuvres humaines témoignera alors uniquement de la Grandeur et de la Magnificence Divines, ainsi que de l’immensité de Sa Grâce.

Alors, Toi qui portes encore en Toi la puissante Nostalgie vers la Lumière et la vraie Beauté, ne traverse pas la vie en touriste, mais deviens Toi-même acteur de Ta vie ! Ainsi Tu honores Celui Qui T’a donné la vie et est Lui-même la Vie !

 

Ange Francier

 



[1] Date présumée de la mort de Jésus, généralement reconnue par la plupart des historiens et aussi indiquée par le Calendrier Prophétique de David Davidson dans la Grande Pyramide. (Lire à ce sujet l’ouvrage « Le Message de la Grande Pyramide » de Pierre Le Dantec aux Éditions de Cristal)

[2] Voir, sur ce site, le texte « Incas à part ».