Le Terrain de la vÉritable
AmitiÉ

 

Introduction

« Qu’un Ami véritable est une douce Chose ! » a dit un grand auteur classique français ! (Michel Eyquem de Montaigne, parlant de son Ami La Boétie).

Pourtant, il arrive souvent que de nombreux êtres humains soient déçus en Amitié. Souvent, ils imputent ces déceptions aux « amis », qui, de leur point de vue, se sont montrés peu dignes de la confiance qui leur avait été faite. En est-il vraiment ainsi ?

Et, d’abord, un homme accompli a-t-il encore besoin d’Amis ? Qu’est-ce que l’abnégation ? Quel est le plus grand Triomphe pour l’être humain ? à ces questions répond le présent texte, rédigé par un authentique auteur spirituel.

Lucien Siffrid est un tel auteur spirituel du XXème siècle, nanti d’un Savoir spirituel et d’une profondeur de pensée tout à fait au-dessus de la « norme ». Voilà pourquoi il est à même d’éclairer de semblables sujets, de telle manière que ses lecteurs puissent réellement trouver une aide à la Progression personnelle, lorsqu’ils ont décidé de se lancer dans un important « Travail sur soi »[1].

 

De beaucoup d’êtres humains ne s’empare-t-il pas une grande amertume lorsqu’ils entendent le mot « Amitié » ? Combien de dures expériences, de pénibles déceptions, d’hostilités, d’infamie et de détresse ne sont-elles pas comptabilisées sur son compte ?

Déçus, affaiblis, abattus et amers, ces êtres humains refusent tout ce qui se tient en relation avec {l’}Amitié et {la} Confiance. Soit ils s’en vont dans un cercle refusant-le-monde pour eux-mêmes s’y retirer, soit ils se laissent déchirer par des courants, dans l’enivrant vertige desquels ils {re}cherchent le grand oubli.

Et pourtant ces êtres humains portent l’impulsion vers la véritable Amitié en eux. {C’est} précisément dans leur doute, leur méfiance, leur raillerie ou dans leur totale dénégation {que} réside la preuve pour la possibilité elle-même. Car, dans leur refus, dans le plus-rien-n’en-vouloir-savoir repose l’inextinguible, nostalgique désir, {une fois} le doute dénoué, la méfiance mise de côté, la raillerie désarmée et la négation abrogée, de savoir.

Mais, puisque la complète modification dans leur conception de vie ayant existé jusqu’ici, est uniquement la condition fondamentale pour rendre possible la véritable Amitié, alors s’ensuit, pour les négateurs, le fait-objectif qu’il ne peut plus y avoir d’Amitié {possible}.

Ici réside l’insurmontable difficulté ! Elle réside dans le gouffre que les corruptrices conséquences de l’inexact penser ont creusé. Les douteurs et les négateurs exigent toujours du prochain qu’il se transforme, qu’il se change, pour, par son amélioration, de nouveau croire au Bonheur et à l’Amitié et pouvoir se laisser convaincre. Mais ils pensent de façon inexacte, agissent contre la Loi dans la Création. Car aucun être humain ne peut réellement convaincre les autres êtres humains, parce que la Conviction ne peut naître que par le propre soupesage et examen au cours de l’expérience-vécue.

Seule la propre expérience-vécue conduit à la Conviction !

Que l’être humain exige donc, en premier lieu, tout de lui-même, avant d’attendre quelque chose des autres. Malheureusement, c’est, souvent, précisément l’inverse.

L’être humain déçu en Amitié s’en tient à sa Conviction gagnée, dont l’absolue justesse vaut pour lui, parce qu’en dernier lieu elle est la conséquence de sa décision librement prise. Il demeure donc rigide en cela et exige du prochain que celui-ci se bouge ! Là réside {une} dépréciation !

Mais {celui} qui n’exige rien du prochain mais tout de lui-même se tient dans la Loi de la Création de l’Amour, a de la compréhension pour ceux qui se tiennent injustement, parce qu’il a lui-même suivi le dur chemin de la {re}-connaissance de soi-même et, par conséquent, connaît aussi les combats que chaque chercheur de Vérité a à soutenir contre lui-même.

Le chemin spiralé de la {re-}connaissance-de-soi-même s’enroule de l’expérience-vécue à la Conviction et de la Conviction à l’expérience-vécue jusqu’en haut dans les Hauteurs escarpées. Lors de chaque Conviction gagnée existe le grand danger de tourner {en rond} en demeurant dans le nouveau plan, ainsi que cela s’applique à de nombreux êtres humains, qui, dans leur propre-tourner-en-rond, s’excluent de tout, ou {bien}, cherchant l’étourdissement, se précipitent dans le tourbillon de sombres courants. Ils demeurent, de par leur propre-tourner-en-rond, en régression, parce que tout Mouvement naturel conforme aux Lois de la Création de l’esprit humain de la Terre aspire vers l’avant et vers le Haut.

Le chemin spiralé est conforme à la voie spiralée courant dans un disque de gramophone, sur laquelle les plus belles mélodies ont été enregistrées. Elles arrivent à résonner grâce à la médiation de l’aiguille, qui se meut régulièrement en courant sur la voie spiralée. Chez l’être humain, les Facultés reposant en lui arrivent à l’activation et au déploiement par l’Éveil de l’esprit, ce qui se produit par les impressions venues du dehors. Le rôle de l’aiguille de gramophone, {ce qui} l’assume alors {c’est} le destin.

De même que les mélodies sur le disque de gramophone n’arrivent à retentir que si l’aiguille parcourt le chemin spiralé normal, alors l’esprit humain ne peut ensuite correctement déployer ses Facultés que s’il tourne dans le Mouvement de la Voie voulue de la Création. Sinon, les deux demeurent constamment tournant en rond dans le premier, plus profond sillon du départ. Pour le gramophone, le dernier événement {mentionné} provoque un bruit désagréable, chez l’être humain il déclenche une plainte ininterrompue contre le destin.

L’image retransmet approximativement les dangers de la stagnation lors d’une Conviction de nouveau gagnée si nous réalisons encore que, lors de chaque nouveau cercle atteint dans la Spirale, un plus profond sillon débouche sur elle, semblable au sillon de départ. Il faut une forte décision personnelle pour non seulement faire front à la relâchante occasion du repos commode mais {aussi}, dans le constant Mouvement spiralé, {continuer à} tendre vers le But ultérieur. Le désagréable bruit est comparable à l’incessant désir que ce soit toujours uniquement l’autre qui doive se changer et s’améliorer.

C’est ce tourner-en-rond-personnel qui a poussé l’humanité entière à l’abîme. En commençant chez l’esprit humain individuel, {que ce soit} au sujet du mariage, de la famille, des associations, des sociétés, des partis, des confessions, des nations et des peuples, {et en se poursuivant} jusqu’aux conceptions-du-monde, beaucoup s’enlisent dans ce tourner-en-rond-personnel de l’intellect humain demeurant terrestrement limité. Même le Bien est, {bien} souvent, de ce fait, emporté avec.

Seule la juste expérience-vécue, la vie dans les Lois du Créateur, conduit, de marche en marche, de Conviction en Conviction, et débouche sur la totale Reconnaissance. Lorsque, maintenant encore, l’expérience vécue dans la libre volonté arrive, l’être humain a déjà le Paradis sur Terre. Il vit dans la Reconnaissance et ainsi dans une merveilleuse Harmonie.

Des exemples de ce qui est dit ici, la vie quotidienne en livre à profusion. Ce n’est pas seulement l’ami trompé qui tombe sur l’infidèle, pas seulement un parti qui en combat implacablement un autre, même les Mouvements religieux ne craignent pas, dans l’intolérance et la haine, de se combattre.

Ce fait-objectif montre que les êtres humains ne sont pas capables, à partir de leur libre volonté, de suivre le Chemin, voulu de la Création, {allant} vers la Lumière, ne sont pas capables de cheminer avec une jubilante Gratitude dans le cœur, {sur} le Chemin qu’ils doivent pourtant suivre s’ils ne veulent pas se perdre dans l’obscurité. Et c’est pourquoi reposent, dans la Fonction de Réciprocité, dans l’activation du sens des mots : « Ce que l’être humain sème, il doit le récolter », les sages et justes Lois de la Création dans l’ainsi-dénommé destin {fait} de dure{s} expériences-vécue{s} pour chacun, à partir du faux vouloir-personnel, {et} résultant du chemin choisi. Il contraint, dans le plus grand désespoir, à obéir à la Voix qui, au cours de chaque événement du jour, avec une pressante Clarté, parle à tout un chacun, {et} lui indique le Chemin vers la Lumière. Pourtant, nous ne faisons pas attention à cette Voix, qui veut nous indiquer une plus haute Reconnaissance des divines Lois de la Nature. Nous nous égarons, en conséquence de cela, de nouveau, dans la broussaille des égoïstes {et tellement} limitées conceptions-de-vie {résultant} de la présomption de l’intellect terrestre.

Seul le Savoir convaincu des Lois agissant(es) dans la Création offre le pur Terrain sur lequel, portant du fruit, la véritable Amitié peut prospérer. Sans détour, chacun peut alors parcourir le Chemin de la Vérité, quand et où il veut. Cherche-t-il sincèrement après elle et vit-il dans sa Lumière, alors il n’a plus besoin d’Amis, parce qu’il se tient lui-même dans la Vérité. Il irradie {l’}Amour et se donne lui-même dedans. Ce Se-Donner-soi-même n’est rien d’autre qu’un « Se-défaire-de-soi-même », {un} « S’être-détaché-de-soi-même » - donc être sans soi-même. Ce Plus-Précieux de l’être humain ne concerne pas le corps mais l’esprit.

Il est beaucoup plus facile d’exposer son sang terrestre pour une cause ! L’être humain peut, par conviction, devenir fanatique. Il n’est pas rare qu’il aille même, en tant qu’ultime conséquence de sa conviction, jusqu’à la mort. Il n’a pas besoin, pour cela, de se rendre libre de {ses} fautes et de {ses} faiblesses. Il s’engage, tel qu’il est, pour une cause. Il se sent, tel qu’il est, un{i} avec elle.

Mais c’est quelque chose de tout différent que d’être sans soi-même. Être sans soi-même présuppose absolument la Pureté des pensées, la véritable Humilité du cœur, la totale Conviction dans la Justice de l’Omnisage Créateur, toutes Choses qui exigent d’être gagnées par la plus grande Activité de l’esprit, ainsi que par un dur combat contre soi-même. Cela, tout à fait uniquement, apporte le vrai Bonheur !

Tous les autres chemins sont des détours, sont de durs chemins, desquels nous devons, au prix de la plus grande peine, d’abord, nous-mêmes écarter les obstacles, que nous avons, étourdiment et de façon sacrilège, entassés dessus, dans la méconnaissance des vivantes Lois de Dieu. Et ceux qui, épuisés, implorant{s}, demeurent, en proie au regret, arrêtés sur le chemin, se ferment à tout Secours {venu} du Haut. Ils se barrent toute possibilité d’un Sauvetage, parce que, du fait de leur obstination au cours des conséquences du Coup du Destin, ils ne pensent qu’à eux-mêmes, ruminent sur eux-mêmes, et, de ce fait, ne peuvent plus devenir sans soi-même.

Mais l’être humain a-t-il, par la Reconnaissance des Lois de Dieu dans la Création, créé en lui le juste Terrain, alors il ne peut pas seulement faire naître, là-dessus, la véritable Amitié, mais il devient lui-même une Pierre utilisable dans l’Édification de la Création entière. Il accomplit, de ce fait, sa destination, qui réside dans la Grâce de pouvoir-exister. Tout ce qui a surgi de la Main du Créateur devient alors son Ami. Il se tient {debout} conscient, l’esprit en Éveil, dans la Merveilleuse-Œuvre de Dieu !

L’humanité ainsi amendée ressemble alors à un gigantesque Faisceau-de-Rayons, qui, flamboyant, s’élève vers le Haut, vers les Pieds de Dieu, dans l’Allégresse et le {Re}Merci{ement}, et qui, dans la Fonction de Réciprocité, dispense à chaque Rayon-particulier Force, Aide et Reconnaissance en provenance de la Source de Lumière. Étant donné que tous les Rayons, tendant vers le But élevé, s’efforcent de n’envoyer encore que de pures pensées dans l’Univers, personne n’a plus de temps ni de raison pour s’occuper, comme jusqu’ici, de son voisin. Aussi, il forme l’un des Rayons, courant pareil{lement} à tous {les autres}, dirigé vers la Lumière, dans le Faisceau de Rayons complet. Chacun est complètement pris par le Travail requis par sa propre évolution et {c’est} précisément en cela {que} repose, pour le prochain, le grand Amour, et, en conséquence, aussi, la véritable Amitié.

Chacun se donne, chacun irradie la Vie aimante et incite ainsi les âmes faibles à faire pareil que lui. Et lorsque tous les esprits humains, dans ce Faisceau-de-Rayons, aspirent uniquement à l’unique Point commun de {vivre} la Vérité {existant} en Dieu, {alors} ils doivent aussi être de vrais Amis. Ils n’ont plus alors besoin de faire aucun douloureux détour dans une direction latérale, au sujet de leur confiance dans les êtres humains.

Peut-il, en effet, exister quelque chose de plus Beau, peut-il y avoir quelque chose de plus gratifiant que le Savoir {du fait} que nous portons tous, en nous-mêmes, la Clef qui nous ouvre le Royaume de la Paix, de l’Amitié et de la Félicité éternelles ? Que chaque individu peut l’utiliser, oui, et doit même l’utiliser ? Si, à partir du « Devrait »[2], nous faisons naître le « Veut »[3], pour ne pas devoir, sous les coups, soit être contraint au « Doit »[4] soit être anéanti, alors nous nous tenons dans la Volonté de Dieu, Qui nous permet, dans le Recevoir, de vivre la Merveille de Sa Création.

Nous sommes autorisés à[5], capables de[6] - et voulons - enfin compter sur nous-mêmes, indépendants des êtres humains {se trouvant} à côté[7]. Et le plus grand Triomphe de l’être humain sur lui-même repose, en outre, dans la réalisation de la Phrase :

« Je veux devenir pur ! ».

L’Aide pour cela se met déjà en place à cette pensée, porte déjà cette pensée en elle.

Lucien Siffrid

- Traduit de l’allemand -


[1] Voir, sur ce Site, « Travail sur Soi », du même auteur.

[2] « Soll » : « Doit » (Devoir moral).

[3] « Will » : « Veut » (Vouloir, Volonté).

[4] « Muß » : « Doit » (Contrainte, Obligation).

[5] « dürfen » : « pouvoir », « être autorisé à ».

[6] « können » : « pouvoir », «  avoir la possibilité/capacité de ».

[7] « Nebenmenschen » : « êtres-humains-d’à-côté », « prochains ».