ACCORD DES CORPS



AVERTISSEMENT :
A l'instar du Cantique des Cantiques dans la Bible, ce poème évoque la totalité de l'Amour pouvant terrestrement exister entre homme et femme... Il nous rappelle que l'Amour humain terrestrement vécu procède de la pure liaison devant exister entre l'irradiation de l'esprit incarné et la force sexuelle inhérente au corps gros-matériel et que l'aboutissement de l'Amour entre deux âmes humaines implique la totale union des êtres : esprits, âmes et corps.



Le désir de la chair est souvent glorifié,
Et c'est partout l'instinct qui est, là, magnifié,
Mais la vénération de ce haut réceptacle,
Ce n'est jamais elle que l'on porte au pinacle !

Pourtant, ce corps de chair, que je vois de mes yeux,
Ce corps qui est le Tien, et qui est si radieux,
Que serait-il, dis-moi, ô ma blanche colombe,
Sans Ton âme, ce corps qui n'est voué qu'à la tombe !

Alors, quand, par Amour, près de Toi je m'approche,
Que j'effleure Tes yeux, clairs comme l'eau de roche,
Je vois en eux Ton âme et Ton sublime esprit,
Et, alors, de l'Amour je connais tout le prix.

Par Ta peau diaphane l'on peut voir la Lumière,
Tout Ton corps éclairé montre Ton âme entière,
Ta Clarté resplendit par lui avec Candeur,
Comme un clair abat-jour, il répand Ta Lueur.

Il m'est un pur Sanctuaire, un Refuge et un Temple,
Le Miroir en lequel, enfin, je Te contemple !
Puis, un voile après l'autre, il s'offre à mes regards,
Avec autant d'Amour naissent tous les égards !

Si Tu me le permets, à pas lents, je m'avance,
N'en croyant pas mes yeux, n'en croyant pas ma chance,
Chaque pouce de Toi est sanctifié par moi,
Chaque avancée me met, oui, dans tous mes émois.

Lorsque je Te regarde, il faut que je sois vide,
Pour m'imprégner de Toi, dont mon âme est avide,
Mon visage frôle Ton visage, ébloui,
Tu deviens frémissante, et, enfin, Tu dis : « oui » !

Je me tiens à Ton seuil, tout le corps éperdu,
Timide et hésitant à réclamer mon dû.
Vais-je donc le franchir, ce portail du mystère ?
Dans quel inconnu vais-je, en quelle nouvelle aire ?

Et dans ce corps à corps se vit un d'âme en âme,
Alors nos deux Flammes deviennent une Flamme,
Nos deux âmes une âme, et par un Don si cher,
Nos deux chairs fusionnent en une seule chair !

Sur le chemin se tient, vierge et intact, l'hymen,
Dois-je enfin pénétrer en cette pure enceinte ?
De nouveau, Ton œil dit, totalement : Amen !
Je le franchis, sur Tes lèvres aucune plainte.

Lorsqu'enfin pénétrée par une fine lame,
Ravie, Tu tressailles, frémis et puis Te pâmes,
C'est un cri qui jaillit, étouffé, dans la nuit,
Et, fulgurant, l'éclair, dans l'obscurité, luit !

Une coulée d'Or chaud, embrasée, nous traverse,
Nos corps sont purifiés sous l'opportune averse.
Remontant du sacrum, la force s'élève haut,
Et nous débarrasse de nos pesants fardeaux.

C'est, coulant du volcan, en effusion, la lave,
Elle nous raffermit, nous renforce et nous lave !
Dans Tes yeux éblouis je vois ce que Tu vis
Et dans les miens Tu vois combien je suis ravi.

Pour que tout soit réel, pour que vive la Fête,
Nous comprenons enfin que, pour être parfaite,
L'Union doit s'accomplir dans sa totalité,
Esprits, Âmes et Corps atteignant l'Unité !

L'éclair jaillit alors entre deux antipodes,
Comme un arc électrique entre deux électrodes,
Venu d'En Haut, l'Esprit opère la Jonction
Et accomplit ainsi sa sublime Fonction.

En un fervent Élan envers le Créateur,
Nous nous sommes unis, couple procréateur,
Pour prendre notre part à cet Élan de Vie,
Auquel la Nature, par Grâce, est asservie !

Quand je Te vois, je vis, et au son de Ton corps,
Nos corps sont exaltés par ce suprême accord,
Je joue de lui comme le vent joue de la flûte,
Et, pour ce grand Bonheur, nous avons notre hutte.

Bien-Aimée, dans Tes yeux, je vois ma part d'Amour,
Je sais qu'Il est Un et qu'Il durera toujours,
Que par Lui nous vivons, et connaissons l'Extase,
Que c'est Lui qui nous sert, c'est Lui qui nous embrase.

Que Lui Seul mérite que l'on vive pour Lui,
Que Lui Seul apporte les plus suaves des fruits,
Que la chair sans Amour n'est que concupiscence,
Et que la volupté fuit dans l'évanescence...

Je sais aussi, Amour, et le saurai toujours,
Que, tous deux, nous sommes un Morceau de l'Amour,
Que l'Amour vient de Dieu, que Lui Seul Le prodigue,
À toute créature… et à l'enfant prodigue !


Pascal Desjardins