La Harpe du Bonheur

 

Il était une fois un homme, droit et sincère, appelé Abdallâh, qui recherchait le Chemin de la Perfection et du Bonheur. Un jour, il s’en alla trouver un vénérable Sage, dont on lui avait assuré qu'il pourrait le lui indiquer.

Devant sa tente, celui-ci, aimablement, accueillit Abdallâh et, après lui avoir servi le traditionnel thé à la menthe de l’Hospitalité, lui révéla enfin l'Itinéraire tant espéré :

- « Certes c'est loin d'ici, mais Tu ne peux pas Te tromper : Au cœur du village que je viens de Te décrire, Tu trouveras trois boutiques. Si Tu vas jusque-là, dans les trois Te sera, au bout du compte, révélé le Secret de la Perfection humaine et donc du Bonheur. »

Enthousiasmé, Abdallâh se mit aussitôt en chemin, et il fit bien, car celui-ci fut long. Sans se lasser, le Chercheur d'Absolu longea maintes vallées, chemina par maints cols et traversa maintes rivières, jusqu'à ce que, enfin, il arrive en vue du village au sujet duquel son cœur, très fortement, lui susurra :

« Oui, c'est là le Lieu ! Oui, c'est là ! »

Hélas, à l’intérieur de chacune des trois échoppes, Abdallâh ne trouva, comme marchandises, dans la première que des rouleaux de fils d’acier de diverses longueurs et épaisseurs, dans la seconde des morceaux de bois disparates et, dans la troisième, des pièces de métal éparses. Las et découragé, il décida de sortir du village, pour, après son amère déconvenue, dans une clairière voisine, trouver quelque réconfort.

La nuit venait de tomber. La Lune remplissait la clairière d'une suave lumière. Soudain se fit entendre une tout à fait sublime Mélodie. Mais de quel Instrument provenait-elle donc ? Abdallâh se redressa tout droit, sauta sur ses pieds, et, lentement, s’avança en direction de la musicienne. Alors - ô stupéfaction - il découvrit que le céleste Instrument était une Harpe, faite, oui, de fils d'acier tendus sur des morceaux de bois assemblés grâce à des pièces de métal, précisément tout ce qu'il venait de voir exposé, éparpillé dans les trois échoppes du village.

À cet instant précis, il connut l'Éveil. Et il comprit simultanément que la Perfection - et donc le Bonheur - terrestre est faite de l’Union de nombreux éléments qui, aux êtres humains, dans la grande Création, sont déjà donnés, mais que la Tâche des êtres humains aspirant à devenir vivants consiste précisément à eux-mêmes réaliser l’harmonieux Assemblage de tous ces éléments particuliers. C’est alors que, sur leur Chemin, ils rencontrent la Vérité et le Bonheur.

 

Augustin Maistre, d’après un Conte Soufi