L'Inspiration

Ce qu'en disent les grands compositeurs


La Musique a toujours joué un grand rôle dans la vie des peuples - rôle qui avait et a toujours comme but principal de faire vibrer les cœurs et d'ouvrir les âmes.

En écoutant des œuvres inspirées, nous ressentons souvent de la nostalgie, quelque chose d'inexprimable qui peut nous rendre heureux et nous faire oublier le côté matériel et éphémère de la vie de tous les jours. La Musique est capable de nous faire ressentir de la joie et de nous enthousiasmer. Peut-être sommes-nous à ce moment-là en contact avec cette Force éternelle dont parlent les grands compositeurs et dont sont empreints les chefs-d'œuvre inspirés de l'Art.

Cette grandeur d'âme que nous y découvrons ne peut laisser indifférent, qu'il s'agisse des chefs-d'œuvre de la Musique, de la Peinture, de l'Architecture comme de la Littérature. Pour des milliers et même des millions d'êtres humains, l'Art et surtout la Musique ont pu les aider à ressentir un souffle de grandeur, capable de les élever au-dessus de la matière, en écoutant par exemple les Passions de Bach, les œuvres de Mozart, Beethoven, Brahms, Wagner, et bien d'autres compositeurs de nationalités différentes.

D'où provient cette Inspiration ? Comment est-elle suscitée ? Voyons ce qu'en disent les grands compositeurs…



L'Unique Point :

Beethoven disait : "Le soir, quand j'admire avec étonnement le ciel et le nombre impressionnant des astres rayonnants, mon esprit s'envole bien au-delà des étoiles, jusqu'à la Source Eternelle d'où vient tout ce qui est créé et d'où s'écoulent sans fin de nouvelles créations."

Mozart composait de la même façon. Il dit un jour : "En composant, je me sens comme dans un beau rêve."

Haydn, avant de composer, priait et demandait la Force du Seigneur. Composer était pour lui une sorte de culte, un rite. Il mettait son plus beau costume avant d'écrire de la Musique. Il disait : "Je me mets en communication avec Dieu, et il faut que je sois habillé en conséquence."

Un correspondant de la presse américaine, violoniste de surcroît, Monsieur Arthur Abell, déclarait dans son livre édité en Allemagne : "Pendant mon long séjour en Europe de 1896 à 1918, il m'a été permis de m'entretenir de la question de l'inspiration avec Brahms, M. Bruch, Humperdinck, Puccini, Grieg et Richard Strauss. Ces compositeurs m'ont révélé en détail ce qu'ils ont, en composant, ressenti spirituellement et psychiquement aux moments des impulsions créatrices." L'entretien de M. Abell avec Brahms a eu lieu en automne 1896 par l'intermédiaire de Joseph Joachim, le célèbre violoniste et meilleur ami de Brahms. Brahms exigea que ses révélations sur l'inspiration ne soient publiées en aucun cas avant cinquante ans après sa mort.

Voici un extrait des déclarations de Brahms sur l'inspiration, qu'il fit à M. Abell et à Joachim :

"Avant de composer, je pose trois questions, en toute humilité, à mon Créateur : 'D'où venons-nous ?', 'Où allons-nous ?' et 'Pourquoi ?'. Je sens, instantanément après, des irradiations qui me pénètrent entièrement. Elles émanent de l'Esprit qui éclaire les forces de l'âme, et dans cet état second, je vois clairement ce qui m'est obscur dans un état ordinaire. Ensuite, je me sens capable, comme Beethoven, de me faire inspirer d'En-Haut. Car Dieu est la Source Vive, dont tout dépend." Brahms continuait à cette même occasion : "De grands auteurs et poètes comme Goethe, Schiller, Shakespeare et d'autres ont ressenti les irradiations cosmiques des Vérités éternelles, parce qu'ils se sont liés à l'Energie infinie du Cosmos, c'est-à-dire DIEU. Toutes ces idées me préoccupent avant de composer, et ces méditations éclairent mon imagination ["Phantasie" NDT] et permettent une communication avec cette même Force."


Pensée athée :

Ainsi, pour s'ouvrir à des inspirations élevées, les pensées de ces compositeurs se dirigeaient vers un Unique Point: le Très-Haut. Dès lors, que peut apporter une pensée athée, qui ne tend pas vers Dieu ?

Richard Wagner nous dit: "Je ne pense pas, Engelberth, que Dieu se révèle plus à l'un qu'à l'autre. D'après mon opinion, nous sommes tous égaux à la naissance par rapport à cette Force. Mais une éducation athée, par exemple, n'a jamais produit quelque chose d'une valeur durable." Et Beethoven : "Oui ! Il faut que cela vienne d'En-Haut, pour être capable de toucher les cœurs. Autrement la Musique n'est que notes froides, un corps sans âme."


Intellect / Intuition :

Ces compositeurs ne se limitaient pas à ce que peut concevoir l'intellect, limité à l'espace et au temps, mais sollicitaient une compréhension immédiate et globale des choses, au-delà des mots, utilisant - pour y parvenir - leur intuition. Puccini, à propos de l'inspiration, disait en effet: "L'inspiration est un thème difficile, impossible à définir, presque insaisissable. Je sens bien les idées inspirées, mais je ne peux les exprimer en paroles." Et Brahms : "Les idées que je cherchais en toute humilité pénétraient en moi avec une telle puissance et une telle vitesse que je ne pouvais en saisir que quelques-unes. Je n'étais pas capable de les noter assez vite, elles venaient comme de courts éclairs et disparaissaient instantanément si je ne les notais pas immédiatement."

C'est ainsi que Richard Strauss déclarait: "Composer est un événement qui n'est pas facile à expliquer. Quand l'inspiration se fait sentir, elle est d'une telle pénétration et d'une telle subtilité - comme un feu follet - qu'elle se dérobe presque à une définition exacte."

"Pendant ces moments d'inspiration, j'ai certaines visions sous l'influence d'une force supérieure. Je sens le contact avec la Source de la Force éternelle et infinie, dont les hommes et les choses dépendent. La Religion la nomme Dieu. Je n'ai pas la prétention de pouvoir expliquer une Force Cosmique, mais je sais qu'il est possible jusqu'à un certain point, de l'utiliser, ce qui devrait être pour nous autres mortels, notre désir principal."

Au sujet de l'intellect, Brahms répondit ceci : "Bien des compositeurs travaillent uniquement, hélas, avec l'intellect ; leurs compositions sont des productions du cerveau, mais il leur manque entièrement l'inspiration. D'autres ont de l'inspiration, mais manquent de savoir technique, ce qu'il faut évidemment aussi pour pouvoir 'construire' une œuvre, pour lui donner une forme digne de l'inspiration."

Quant à Richard Strauss, il s'exprime ainsi : "Plus de 95% des productions actuelles contemporaines ne sont que travail du cerveau, et par conséquent de courte vie."


Un vouloir Ressenti :

Lorsque nous lisons tous ces témoignages, la petite volonté de l'intellect apparaît impuissante à susciter la véritable inspiration. Il y faut un ressenti qui dépasse les limites de ce que peut appréhender le produit du cerveau ; un ressenti du cœur, de l'être véritable, de ce qui, seul, est réellement vivant en l'être humain, pour lui permettre de se relier au plus Haut. C'est ainsi que Brahms, à qui un ami lui posait la question : "Comment vous mettez-vous en contact avec cette Force supérieure ?", lui répondit : "Voilà la grande question! Je n'y arrive pas par la force de la volonté, par les pensées superficielles et terre à terre. Ce n'est possible que par les forces de l'âme, le véritable "Moi" qui survivra à la mort physique. Ces forces sont inactives si elles ne sont pas éclairées par l'esprit."

Richard Strauss l'avait bien constaté. Il déclarait: "La Puissance Divine ne réagit que sur notre désir intérieur. J'ai la conviction que c'est une Loi qui se manifeste dans tous les domaines, comme conséquence des efforts spirituels des hommes."

Brahms avait un but précis quand il composait et un rituel bien défini "avant d'appeler la muse" comme il disait, et, pour se mettre dans l'ambiance propice pour composer, avait coutume de se plonger dans des réflexions sur les grandes idées des poètes comme Goethe, Schiller, Shakespeare, Milton, Tennyson, etc. Nous savons aussi qu'il connaissait à fond la Bible et ses vérités. Son imagination en était stimulée. "Quand je ressentais ces irradiations cosmiques supérieures, disait-il, je savais que j'étais en communication avec la même Force qui a inspiré les grands poètes, de même que Bach, Mozart, Beethoven."

Puccini a déclaré: "Par mon expérience de compositeur, je sais qu'une influence surnaturelle me rend capable de recevoir des Vérités divines et de les communiquer au public par mes opéras. L'homme ne pourra jamais écrire une œuvre de valeur durable sans l'Aide divine. Dante, Raphël, Stradivari puisaient dans cette Force toute-puissante, une force extraordinaire qui fait vibrer l'âme. Elle est l'influence de Dieu."

L'authenticité et la sincérité de l'Art Véritable ne trompent pas. Il touche les cœurs. Puccini, en parlant de son opéra La Bohême :

"Quand le rideau se lève au premier acte, vous voyez la chambre misérable de... Puccini, musicien pauvre, quand il y habitait et qu'il était élève au Conservatoire de Milan. Chaque fois, en écoutant La Bohême, je vois en esprit les mornes cheminées et toute la saleté qui empoisonnait ma jeunesse.

"Je me nourrissais de pain, de harengs. Je grelottais de froid dans cette triste chambre - comme Rodolphe dans mon opéra - où je brûlais, comme lui, mes manuscrits, mes essais de composition, pour me chauffer. Je vous assure, lorsque, plus tard, j'ai écrit la scène finale de
La Bohême - la mort de Mimi - pas un seul auditeur ne put être davantage touché que moi-même. Je me suis effondré comme un enfant, ma douleur était si grande en composant cette scène."


L'Inspiration, une Source :

Richard Wagner a confié à son ami Engelberth Humperdinck, l'auteur de l'opéra Haensel & Gretel, ce qu'il pensait de l'inspiration.

"- Pour commencer, Engelberth, je voudrais constater que l'inspiration est une chose évasive qui ne s'explique pas facilement et dont nous ne savons que très peu de choses. En effet, très peu d'hommes sont capables de puiser à cette Source, ce qui est sans doute la raison pour laquelle on en sait si peu à son sujet. Je suis convaincu qu'un courant universel de Pensées divines parcourt les sphères et que celui qui les capte, c'est-à-dire les ressent, est capable de les recevoir par inspiration, à condition, toutefois, qu'il soit conscient de cet événement et qu'il ait le savoir et le talent de mettre en pratique ce qu'il a reçu, qu'il s'agisse d'un compositeur, d'un architecte, d'un peintre, d'un sculpteur ou d'un inventeur.

- Ces paroles, Richard, contiennent une profonde sagesse, mais pourrais-tu m'informer sur tes propres visions de ce mystérieux univers, d'où tu puises tes propres inspirations ?

- Pendant mon travail, Engelberth, ce n'étaient que de magnifiques et vivifiantes expériences vécues dans cette sphère de l'invisible, que je vais essayer de te décrire, autant qu'il est possible :

" Tout d'abord, je pense que cette Force universelle vibrante relie l'âme humaine à la Force centrale toute-puissante d'où est issu le Principe de la Vie et dont nous dépendons. Cette Force représente pour nous la communication avec la Toute-Puissance de l'Univers, dont nous sommes une infime partie. Si ce n'était pas ainsi, nous ne pourrions pas nous mettre en contact avec elle. Celui qui en est capable, sera inspiré.

- Richard, que ressens-tu ? Peux-tu m'exposer tes sentiments durant tes contacts avec cette Force supérieure ?

- Volontiers, Engelberth. J'ai certaines visions dans un état proche de la transe, qui est indispensable pour chaque véritable effort créateur. Je me sens uni avec cette Force vibrante, elle est omnisciente et je peux y puiser à la mesure de mes propres possibilités.

- Pourquoi Beethoven pouvait-il s'approprier cette Force à un degré plus élevé que Dittersdorf
[compositeur viennois], pour citer un compositeur de moindre envergure ?

- C'est parce que Beethoven était beaucoup plus conscient de son harmonie avec la Divinité. Il avait un contact plus intense avec les Irradiations qui émanent de Dieu.

- Peux-tu m'expliquer, Richard, pourquoi Beethoven était capable de s'ouvrir à cette Source et d'y puiser son inspiration, dont les productions ont fourni l'un des legs les plus précieux de l'humanité, alors que Dittersdorf n'obtenait que des productions de troisième catégorie ?

- Je ne pense pas, Engelberth, que Dieu Se révèle plus à l'un qu'à l'autre. D'après mon opinion, nous sommes tous égaux à la naissance par rapport à cette Force. Mais une éducation athée, par exemple, n'a jamais produit quelque chose d'une valeur durable."



De tous les témoignages de ces compositeurs, il ressort qu'ils ont jeté un pont dans l'Au-delà pour y puiser consciemment à une Source. Ils ont utilisé pour cela une unique Force : la "Force Vivante". Cependant, ils ne possédaient pas cette Force Créatrice en propre, mais uniquement la clef pour l'utiliser, grâce à leurs facultés intuitives. Leur intellect, outil dénué de vie propre, se révèle impuissant pour cela. Cette Force façonne et travaille selon le vouloir de l'esprit, le noyau spirituel que porte en lui l'être humain et qui subsiste à la mort du corps terrestre.

Les compositeurs et autres "créateurs" inspirés ont employé cette Force pour former, grâce à leurs facultés intuitives, des œuvres immortelles qui rappellent aux hommes qu'il existe autre chose que "la danse autour du veau d'or", autrement dit le matérialisme qui, comme conséquence inéluctable, a amené l'éloignement de l'homme de son Dieu. En effet, seuls l'art et les œuvres inspirées par cette Force vivifiante ont survécu au temps et aux peuples qui se sont effondrés sous l'action de leur intellectualisme froid et dénué de vie.


Pour terminer, quelques mots encore de Richard Wagner au sujet de l'inspiration. En écoutant L'Or du Rhin, Max Bruch et Puccini s'étonnaient de la hardiesse avec laquelle Wagner employait pendant 136 mesures l'accord du mi bémol majeur sans discontinuer. Ils étaient unanimes à déclarer qu'il fallait être un génie pour le faire.

Wagner venait de commencer son opéra L'Or du Rhin :

"Je me trouvais au lit, disait-il. Soudainement, j'eus l'impression de me trouver allongé dans un torrent. J'ai cru être étendu au fond du Rhin. Je sentais l'eau en mouvement couler avec un mugissement autour de moi. Cette impression a pris corps dans l'accord de mi bémol majeur qui commence avec le contre-mi bémol des contrebasses. Je me trouvais dans un état de semi-somnolence. En me réveillant, j'ai reconnu immédiatement que cette vision était inspirée et que mon prélude avait pris forme en mon for intérieur."

Max Bruch est surtout connu par ses concertos (ou concerti) pour violon et orchestre. Que disait-il de l'inspiration?

"Lorsqu'un compositeur crée quelque chose de valeur, il se trouve en face de la Force Eternelle dont est issue toute vie, et il puise alors dans cette Force vivante. En se concentrant dans le calme et la solitude intérieure, il doit attendre les indications de cette Force qui est supérieure à l'intellect. Sait-il établir la communication avec cette Force, il devient comme un projecteur capable de transmettre dans le monde visible - ou du moins, pour le compositeur, dans le monde de l'audible - l'indéfinissable et l'invisible. C'est la même Force à laquelle Bach et Beethoven ont puisé. Tous les compositeurs en dépendent s'ils veulent créer quelque chose de valable."


Marco Caldi


Note : Les différentes citations des compositeurs ainsi que la majeure partie de ce texte ne sont pas le travail de l'auteur, mais un travail antérieur effectué par un grand violoniste aujourd'hui disparu…