LES PÉCHÉS DES PÈRES SE VENGENT
JUSQU'À LA 3ème et 4ème GÉNÉRATION

 

Un conte initiatique de Jacques Lamy.

 

Ami lecteur, garde-toi de considérer ce récit à la légère, car c’est la légèreté qui a conduit les "héros" de cette histoire à se tromper lourdement. En un tel domaine, une erreur due à la superficialité est un péché qui se venge durant plusieurs générations.

 

" De façon prédominante, ce sont, toutefois, des choses toutes simples
qui doivent conduire au fait d’être lié à la Terre. "

 

Dans un petit village provincial vivait avec sa famille un petit garçon de dix ans appelé Luc, qui fréquentait la classe de sixième à l’école "Notre Dame de la Clarté".

Le jeudi matin, Luc suivait les cours de catéchisme donnés par Monsieur le Curé, soit à l’école, soit au presbytère.

Ce jour-là, le cours de catéchisme de Monsieur le Curé avait lieu au presbytère, car c’était la Semaine Sainte.

Le thème de la leçon du jour était "la vie après la mort". Assis sur son banc, à côté de ses camarades – Pierre, Matthieu, Jacques, André et les autres… -, Luc regardait dans son livre "La Miche de Pain" une illustration qui représentait l’âme d’un vieil homme accueillie dans l’autre monde par son ange gardien.

Le curé expliquait :

" Jésus, qui est ressuscité après Sa mort – que nous commémorerons demain, Vendredi-Saint –, avait dit à Ses Apôtres :

" Je suis venu pour que vous ayez la Vie, la Vie en surabondance. "

" Il était donc venu pour que nous vivions éternellement. Pour cela, le Créateur nous a dotés d’une âme immortelle.

" Lorsque nous mourrons, notre âme se séparera de notre corps pour se rendre dans l’autre monde afin d’y subir un jugement particulier.

" Le corps mort sera conduit au cimetière pour être mis dans une tombe, mais notre âme immortelle continuera de vivre. "

Luc savait que lorsqu’une personne meurt, on ne la revoit plus jamais sur la Terre. C’est pour cela qu’il ne voyait plus son grand-père Antoine. Après sa mort, survenue trois mois plus tôt, son corps avait été mis dans une boite et reposait sous une dalle de granite dans le petit cimetière du village. Se pourrait-il qu’un jour il puisse revoir son bon regard aux yeux pétillants ?

Rentré chez lui, Luc trouva sa mère occupée à préparer le repas familial. Il y avait du boudin blanc et des épinards qu’elle avait ramenés du marché l’avant-veille. Le lendemain, Vendredi-Saint, ce serait maigre, ils mangeraient du poisson et pas de dessert.

Il mit la table, tandis que sa petite sœur de huit ans essayait de confectionner un tablier avec le nécessaire de couture apporté par Saint Nicolas (le Père Noël), le Noël précédent. Quant à lui, il avait reçu un jeu de construction.

Une fois tout le monde à table, et ayant "attaqué" le boudin, Justine, la petite sœur de Luc dit en regardant son boudin qu’elle seule n’avait pas encore entamé :

" On dirait une momie…! J’en ai vu une pareille dans le vieux livre sur l’Egypte que j’ai trouvé au grenier. "

C’est alors que Luc demanda :

" Est-ce que nous reverrons Papy un jour ? "

Sa mère répondit :

" Pourquoi demandes-tu cela ?

- Monsieur le Curé a expliqué ce matin au cours de catéchisme que c’est seulement le corps qui meurt mais que nous avons une âme qui est immortelle. "

Son père – qui s’était "accroché" avec le curé, à propos de la réfection de l’église (le curé voulait remettre en place la vieille statue de Jésus montant aux Cieux le jour de l’Ascension, et Thomas, le père de Luc, trouvait qu’elle n’avait plus sa place dans l’église rénovée) – rétorqua alors :

" Sottises ! Laisse donc tomber toutes ces bêtises ! Quand on est mort, tout est fini ! "

D’abord interloqué, Luc questionna ensuite au bout d’un moment :

" Lorsque Grand-Père Antoine était encore là, il disait qu’il existe un Paradis pour ceux qui sont fidèles à Dieu.

- Ton grand-père était vieux, et à la fin de sa vie il ne savait plus ce qu’il disait.

- Si Monsieur le Curé dit aussi des bêtises, pourquoi donc nous faut-il aller au catéchisme ?

- Parce que cela fait partie du programme et que tu dois aussi avoir de bonnes notes en instruction religieuse, qui compte également dans ta moyenne ! répondit son père. 

- Il ne faut pas faire de peine à Monsieur le Curé, ajouta sa mère, on a besoin de lui pour les baptêmes, les mariages et les enterrements.

- Et aussi pour faire sa communion ! " conclut Justine.

 

* * *

 

Lorsqu’il revint au cours de catéchisme le jeudi suivant, Luc leva la main au début du cours et dit :

" Mon père a dit que la vie de l’âme après la mort, c’est des bêtises. Quand on est mort, tout est fini ! "

André, son copain, dont le père communiste était le maire du village, ajouta :

" Le mien, il a dit : Quand on est mort, c’est pour longtemps ! "

Le curé les regarda, visiblement très ennuyé. Puis il répondit :

" Chacun sur Terre a sa spécialité. Moi je ne vais pas dire à un maçon comment il doit monter un mur, ni à un maire comment il doit diriger les affaires de la commune. Mais en ce qui concerne les affaires de la religion, c’est l’Eglise qui sait ce qui est vrai, et elle le dit par ses prêtres. "

Puis il aborda la leçon du jour qui était consacrée aux Miracles de Jésus.

Sur le chemin du retour, Jacques demanda à Luc :

" Tu y crois, toi, à la vie après la mort ? Mon père il a dit : Quand on est mort, c’est pour la vie !

- Je ne sais plus, puisque les grandes personnes ne sont pas d’accord entre elles. "

C’est alors que Matthieu, dont le père était le boulanger du village, déclara :

" Le curé, il raconte des histoires. L’autre jour il a prétendu que l’on peut faire manger 5000 personnes avec seulement 5 pains, c’est impossible. Mon père, il n’a jamais vu cela ! "

Pierre, qui était le neveu du curé, dit alors :

" Peut-être qu’ils n’en mangèrent chacun qu’une miette ? "

Les autres se mirent à rire et se moquèrent de lui. André lui dit :

" Et que t’arrivera-t-il à toi, si tu essayes de marcher sur l’eau comme le Christ ? "

Luc répondit :

" Il fera comme toutes les "pierres", il se retrouvera au fond ! "

Ils éclatèrent de rire tandis que Pierre se détournait d’eux.

 

* * *

 

Luc, qui ne demandait pourtant qu’à croire que quand on meurt c’est réellement pour la vie – donc croire à la vie de l’âme après la mort - tant il aurait aimé revoir son grand-père, finit par y renoncer. Il y avait trop de personnes qui contredisaient le curé et le raillaient. La grande espérance qui avait habité son cœur avait fini par s’éteindre, tuée par le scepticisme et la moquerie. Les paroles de son père, en particulier, résonnaient ironiquement à ses oreilles : " Va donc avec toutes ces sottises, quand on est mort, c’est pour longtemps ! "

 

* * *

 

Alors que Luc avait cinquante ans, Thomas, son père mourut de maladie dans son lit. Son agonie – un véritable "combat contre la mort" - fut très pénible et dura longtemps.

Il s’accrochait à la vie de son corps et ne voulait pas le quitter, puisque le corps représentait tout ce à quoi il croyait. Il lutta contre la mort aussi longtemps qu’il put.

Luc fut le témoin de cette lutte et de ces tourments. La mort lui parut alors être une chose bien affreuse.

A côté de lui, sa vieille mère ne cessait de sangloter en un chagrin égoïste en se demandant ce qu’elle allait devenir toute seule sans son mari et elle était fortement angoissée à la perspective de sa propre mort, nécessairement prochaine.

Lorsque le corps exténué de Thomas Bonnefoy fut devenu incapable de retenir son âme plus longtemps, celle-ci sortit du corps, enfin.

Elle se retrouva là, seule, dans la chambre mortuaire, sans comprendre ce qui lui arrivait.

Elle ne comprenait pas, parce que l’homme dont le corps reposait inerte sur le lit s’était refusé, toute sa vie durant, à croire à la poursuite de la vie après la mort.

En fait, jamais il n’avait pris réellement la peine de réfléchir sérieusement à cette question et il avait toujours rabroué ou raillé ceux qui s’en préoccupaient autour de lui.

Et maintenant, il se trouvait là, au-dessus de son corps mort, et il était toujours vivant et conscient ! Incroyable mais …vrai !

 

* * *

 

Abasourdi par cette constatation stupéfiante, il se met soudain à observer ce qu’il voit autour de lui.

Il voit alors son corps qu’il croyait être lui-même, sur son lit de mort, et il aperçoit son épouse Adélaïde penchée sur le cadavre et secouée de sanglots. Il ressent le chagrin qu’elle éprouve en se lamentant sur son décès. Il voudrait rire et lui crier qu’il vit encore.

Il l’appelle : " Adélaïde ! Adélaïde ! " Mais il constate rapidement qu’elle ne l’entend pas, en dépit de ses appels répétés et de plus en plus forts. Elle ne l’entend pas et continue de se lamenter. L’angoisse l’envahit. Il entend pourtant très nettement sa propre voix et il a parfaite sensation de son nouveau corps.

Oppressé, il crie encore. Personne ne prend garde à lui. Tous regardent le corps inerte qu’il reconnaît pour le sien. Ce corps, il le considère pourtant maintenant pour quelque chose d’étranger, qui ne fait plus partie de lui, car il se tient présentement en dehors, délivré de la souffrance physique qu’il avait jusqu’alors éprouvée.

De nouveau il appelle : " Adélaïde ! Adélaïde ! " Mais celle-ci demeure agenouillée près du lit qui jusqu’alors avait été le sien. Elle continue de pleurer ; aucune parole, aucun geste ne témoignent qu’elle l’ait entendu. Désespéré, il s’approche d’elle et la secoue vigoureusement par l’épaule. Elle ne le remarque pas. Le défunt Thomas ne sait évidemment pas que c’est le corps de matière fine de sa femme qu’il touche et secoue ainsi, et non pas son corps physique de matière grossière. Mais Adélaïde qui, comme lui, n’a jamais cru vraiment qu’il existât autre chose que le corps physique gros-matériel, ne peut, elle non plus, ressentir ce contact sur son propre corps fin-matériel.

Apercevant son fils Luc, il veut soudain lui dire que – contrairement à ce qu’il affirmait lorsqu’il était encore sur Terre – il est toujours en vie. Ce désir de rectifier ce qu’il avait dit d’erroné l’attache à lui.

Mais quoi qu’il dise ou fasse, - qu’il secoue aussi le corps de matière fine de son fils ou bien qu’il lui parle ou même qu’il crie en gesticulant devant lui-, celui-ci ne perçoit rien, ne voit rien, n’entend rien.

Certes, ceci est d’abord dû au fait qu’ils appartiennent maintenant à deux mondes indépendants quoique non séparés, mais c’est surtout dû au fait que Luc est maintenant persuadé que Thomas, son père, n’existe plus, et c’est cette fausse conception qui se dresse, tel un mur rigide et inébranlable, entre les efforts de son père et lui-même.

Ne pas parvenir à prouver à quelqu’un qui le croit mort qu’il est vivant provoque assurément chez Thomas une impression horrible. A sa façon, Thomas aimait son fils Luc, et d’ailleurs il l’aime toujours.

Comme le mauvais riche de la Parabole "Lazare et le mauvais riche" (Luc XVI, 19-31), il souffre terriblement dans sa nouvelle condition et il finit par ressentir confusément qu’il doit y être pour quelque chose.

Au moins, comme le mauvais riche aussi, voudrait-il pouvoir avertir et bien orienter ses proches, son épouse et son fils, demeurés sur la Terre. Mais il semble que, comme encore pour le mauvais riche, cela lui soit interdit.

S’agissait-il réellement d’une interdiction ? C’est plutôt, en fait, une impossibilité. Au mauvais riche il fut répondu au sujet de ses frères demeurés sur la Terre :

" Ils ont Moïse et les Prophètes ; qu’ils les écoutent ! "

Sur Terre, l’Enseignement de la Vérité existait et il existe toujours. Pourquoi donc Thomas n’a-t-il pas voulu l’écouter ? Et pourquoi Luc, demeuré sur la Terre, préfère-t-il encore maintenant croire son incrédule de père plutôt que ceux qui y enseignent la Vérité ?

Le mauvais riche – qui savait que ses frères n’écouteraient ni Moïse ni les Prophètes – avait alors invoqué cet argument : 

" Si quelqu’un de chez les morts va les trouver, mes frères se repentiront ! "

Ce à quoi Abraham, qui se trouvait alors au-dessus de lui dans l’Au-delà, lui rétorqua :

" Du moment qu’ils n’écoutent ni Moïse ni les Prophètes, même si quelqu’un ressuscite d’entre les morts, ils ne seront pas convaincus. "

Il n’est de pire aveugle ni de pire sourd, en effet, que celui qui ne veut ni voir ni entendre. C’est pourquoi, dans le monde fin-matériel de l’Au-delà, les âmes incrédules sont aveugles et sourdes lorsque le cordon d’argent qui les relie encore à leur corps gros-matériel s’est détaché.

Thomas éprouve la puissance du lien qui l’attache désormais à son fils et il ressent qu’il ne pourra pas quitter l’ambiance de la Terre avant que Luc et les autres membres de sa famille ne se soient rendus compte de l’erreur fâcheuse dans laquelle le scepticisme du père les a entraînés.

C’est la même chose, en effet, pour Adélaïde, son épouse, mais quelque peu différent toutefois, car lorsqu’il la rencontra, elle était déjà aussi sceptique que lui, soit principalement par sa faute à elle, soit encore à cause de ses propres éducateurs. Il ne peut donc en être tenu pour responsable au même degré.

A présent, il lui faut se rendre compte que la fausse croyance qu’il a inculquée à son fils est responsable de l’impossibilité de communiquer entre eux. Rien que cela peut prendre beaucoup de temps. Il faut ensuite que s’éveille en lui la volonté de réparer, ce qui peut aussi demander beaucoup de temps, des années et plus parfois.

Il faut encore qu’une telle opportunité se présente, mais dans leurs situations nouvelles ils se trouvent comme l’oiseau et le poisson de la chanson, qui ne peuvent parvenir à se déclarer leur amour, parce qu’ils ne vivent pas dans le même monde !

Il doit, simultanément, se rendre compte qu’avec la fausse croyance que la vie s’arrête à la mort du corps va de pair le refus de la reconnaissance d’une responsabilité spirituelle de ses actes.

Avec cette opinion qu’à la mort tout serait fini, à quoi bon, en effet, faire des efforts particuliers pour mener une vie juste et devenir un être humain accompli, puisque, quelle que soit la façon avec laquelle l’on aura vécu, il n’y aura nul Juge Suprême à Qui rendre des comptes et le résultat sera le même, au bout de quelques dizaines d’années : le néant !

Depuis que, petit garçon, Luc ne croit plus à l’existence d’une autre vie, il a concentré toute son énergie sur l’aspect matériel de la vie terrestre. Il est devenu un matérialiste, sinon dogmatique en tout cas de fait. Son signe solaire astrologique, le Taureau, lui donnait déjà le goût de la matière ; désormais plus rien ne viendrait équilibrer cette tendance exclusive vers le seul terrestre.

Il s’agissait désormais, pour lui, de profiter au maximum de tout ce que peut offrir en matière de jouissances un court passage sur la Terre, et cela en espérant y vivre le plus longtemps possible. Une telle attitude ne peut qu’enfoncer une âme encore davantage dans l’erreur.

 

* * *

 

Lorsque Luc eut vingt ans, il rencontra alors une jeune fille qui l’éblouit. Elle avait vingt ans elle aussi et se prénommait Angélique.

La vision d’Angélique réveilla en Luc quelque chose de très profond et, basé sur l’admiration, l’amour s’éveilla. Angélique possédait quelque chose de très précieux qui faisait défaut à Luc. Il le ressentait mais ne savait pas ce que c’était.

Angélique incarnait un idéal de Grâce, de Beauté et de Pureté, bref un véritable "ange" ; elle était pour Luc une source de complet émerveillement.

Le père d’Angélique était Pasteur et, avec son épouse, ils avaient élevé leur fille dans une Foi profonde en Dieu et en Sa Justice transcendante.

Il aimait à répéter cette Parole du Christ Jésus :

" L’homme récoltera ce qu’il a semé. "

Etant donné qu’il était évident que toutes les moissons ne peuvent survenir au cours de la seule existence terrestre du moment, il fallait bien que l’existence se poursuive après la mort pour que chacun puisse récolter l’intégralité des fruits de ses semailles.

Angélique fut, tout d’abord, elle aussi vivement attirée par Luc comme par une Lumière. Mais la Lumière qui émanait de Luc n’était plus que celle de l’intelligence qui sait tirer parti de tout ce qu’offre la matière. Celle de son esprit s’était éteinte.

Luc brillait alors en société par des paroles cyniques sur la vanité de toute tentative d’élévation au-dessus du monde matériel. Son cynisme était l’expression – négative – de sa déception dans son aspiration à croire.

Au cours d’un dîner mondain, il déclara, en présence d’Angélique :

" Les prêtres sont des marchands d’illusion ; ils vivent uniquement de la crédulité des faibles d’esprit qui croient à toutes ces sornettes. "

A compter de cet instant, Angélique se détourna de lui, horrifiée ; c’est comme si son plexus solaire avait été brûlé au fer rouge.

Luc s'aperçut soudain que le visage d’Angélique s’était rembruni, et un sentiment de culpabilité s’éleva brutalement en lui.

Toutefois, sa voisine de gauche, riant très fort, s’efforçait alors de "lui faire du plat".

C’était la riche héritière d’un magnat de la finance ; elle avait déjà plus de trente ans et cherchait à se marier sans plus tarder.

Elle avait jeté son dévolu sur Luc, parce qu’il était beau garçon et qu’elle pensait mieux pouvoir s’assurer de la "fidélité" d’un homme qui était de condition modeste par rapport à elle.

Alors qu’elle l’appelait pour accaparer son attention, il se tourna vers elle. Pendant ce temps-là, Angélique, qui avait été assise en face de lui, avait disparu. Il ne devait plus jamais la revoir.

Le soir, Angélique pleura beaucoup. Non de penser qu’elle pouvait être délaissée et qu’une autre lui soit préférée par Luc, mais ce qui la désolait par dessus tout, c’était cette double intuition d’avoir reconnu que celui qui était prévu pour elle avant même leurs naissances à tous les deux s’était, entre temps, détourné de la voie juste, de sorte qu’elle ne pouvait plus se marier avec lui.

Un peu plus tard, Angélique rencontra un autre jeune homme. Il s’appelait Pierre, était le neveu d’un prêtre et envisageait lui-même de devenir prêtre.

Etant donné que les prêtres catholiques n’avaient pas le droit de se marier, Angélique lui suggéra de devenir pasteur protestant, afin qu’il puisse quand même la prendre pour épouse. Etant donné que Pierre n’était pas dogmatique, il accepta.

Luc, de son côté, fit un "brillant mariage" avec la riche héritière. Certes, il lui sembla que son âme ne l’aimait pas vraiment mais il pensa qu’il ne s’agissait là que d’une considération imaginaire, étant donné que l’âme n’existait pas…

Ce qui existait alors, c’étaient les millions dont Pétula hériterait un jour de son père…

 

* * *

 

Les enfants de Luc et Pétula furent élevés de façon très "positiviste" et l’on veilla soigneusement à ce que leurs jeunes cerveaux ne soient pas encombrés avec des superstitions dépassées sur la vie après la mort, l’existence d’un Jugement pour les âmes ou d’autres sornettes du même genre.

Le fils aîné de Luc Bonnefoy s’appelait Robert. Lorsqu’il se maria à son tour, il épousa une femme pragmatique avec laquelle ils élevèrent leurs enfants de façon "réaliste".

Dans ce "réalisme", toute référence à une vie éternelle dans le Royaume de Dieu n’avait pas sa place.

Le fils aîné de Robert, marié avec une femme superficielle, naquit le jour de la mort de Luc.

Robert quitta la chambre de l’hôpital où Luc, son père, venait de décéder, pour se rendre dans la salle de travail du département "maternité" du même hôpital !

 

* * *

 

A ce moment-là, Thomas – qui s’était résolu entre temps à s’éloigner provisoirement de l’ambiance de la Terre pour tenter de se libérer de ses défauts et de progresser ainsi en s’intégrant à une confrérie de pénitents – était revenu dans le monde astral proche de la Terre, afin de se libérer de sa dette à l’égard de ses descendants terrestres.

Il guettait le départ terrestre de Luc dont il avait été averti. Il savait qu’il n’avait pas la possibilité de lui parler avant qu’il n’arrive lui aussi dans l’autre monde, et enfin le moment des retrouvailles était venu.

Dès que Luc eut quitté son corps, Thomas essaya de se manifester à lui. Mais il lui fallut attendre que Luc se réveillât en tant qu’âme d’un profond sommeil. Ce sommeil lui était nécessaire pour adapter ses vibrations au nouveau Monde de l’Au-delà.

La première pensée qu’eut Luc, après avoir constaté qu’il vivait toujours, fut :" Mon père m’avait menti ". C’est alors que Thomas se plaça en face de lui et intervint :

" Non ! Je ne t’avais pas menti ; j’étais simplement dans l’ignorance. Par ma faute. Depuis que je suis mort sur la Terre, j’ai la volonté de te parler. J’ai beaucoup essayé au début – mais tu ne m’écoutais pas ! – jusqu’à ce que je comprenne que je devais attendre que nous nous retrouvions tous deux sur le même plan.

- Comment aurais-je pu t’écouter ? Tu disais toujours :  Quand on est mort, c’est pour longtemps !

- Oui, j’ai commis une grande erreur et il m’a fallu voir, depuis ce temps-là, comment, à cause de moi, tu as gâché ta vie en épousant une femme qui n’était pas faite pour toi et en repoussant, par ton attitude dubitative et railleuse, celle qui t’était destinée. 

" J’ai dû observer aussi de loin en loin comment tu as, à ton tour, aiguillé tes propres enfants sur un faux chemin et comment ils ont répété les mêmes erreurs que toi, par ma faute d’abord, et par la tienne ensuite.

- Ce que tu dis est affreux ! répondit Luc, consterné. Comment pouvons-nous faire pour réparer cette épouvantable erreur ? 

- Il faut briser cette chaîne infernale par laquelle la faute des pères se reporte, par ses conséquences, sur leurs enfants, petits-enfants, arrière-petits-enfants, de génération en génération, par une fausse éducation enseignant des affirmations erronées sur l’après-vie. 

- Oui, mais comment ? 

- Essayons de parler à Robert, ton fils.

- Mais je ne le vois plus. Où est-il ? 

- Il a quitté la pièce.

- Viens avec moi, cherchons-le.

- Eh ! Mais je ne peux pas te suivre !

- Ah ! Oui, tu es toujours attaché à ton corps par ton cordon d’argent, et celui-ci est trop dense pour te permettre de me suivre ! Moi aussi je suis resté attaché au mien pendant des mois avant de me retrouver aveugle et sourd dans l’obscurité totale. Je vais aller le chercher tout seul. "

 

* * *

 

Prenant de la hauteur, Thomas découvrit bientôt Robert, les yeux fixés sur Salvator, son fils aîné, qui était sur le point de naître. Thomas se plaça en face de Robert pour lui parler mais celui-ci ne voyait que son fils Salvator en face de lui.

Plus précisément, il ne voyait que sa tête, car Salvator était retenu, pour sortir complètement du ventre d’Héloïse, par le cordon ombilical qui s’était enroulé autour de sa tête. Il étouffait.

Le médecin-accoucheur essayait de dégager la tête de Salvator, pendant que la sage-femme criait à Héloïse :

" Ne poussez plus, ne poussez plus ! "

et qu’Héloïse criait : 

" Je souffre ! Pourquoi cet enfant ne naît-il pas ? "

Alors le visage du bébé devint violacé, et le manque d’oxygène dû à la strangulation et la compression provoqua l’expulsion de l’âme de Salvator hors de son petit corps.

A ce moment-là, cette âme reprit conscience, en tant qu’âme, deux mètres plus haut, et elle aperçut l’âme de Thomas qui se tenait en face d’elle.

Thomas, saisissant l’occasion, lui dit alors :

" Je fus ton arrière-grand-père Thomas et je donnais alors à mon fils Luc, ton grand-père, une fausse éducation en affirmant que l’âme et la vie après la mort n’existent pas. A cause de cela, tous mes descendants se trouvent aujourd’hui dans l’erreur et non dans la Vérité. 

" Cette chaîne d’erreurs à répétition doit être brisée pour mettre un terme à la malédiction qui pèse sur notre famille et sur nous-mêmes.

" Ton grand-père Luc vient de quitter la Terre, mais il est aussi prisonnier comme moi de ce qui s’y passe, à cause du faux enseignement qu’il a accepté, reçu et propagé.

" Nous ne pourrons nous libérer que grâce à toi, si tu parviens à rétablir la Vérité parmi tous nos descendants.

" A présent, tu peux et tu dois retourner dans le petit corps qui t’attend. Tu recevras toi-même une fausse éducation de la part de tes parents, Robert et Héloïse, et ta conscience terrestre aura oublié ce que je te dis maintenant, lorsque tu seras revenu dans ton corps.

" Mais ton âme, elle, n’aura pas oublié, et devra se montrer plus forte que tous les conditionnements de ton entourage.

" Tu seras, cependant, toi-même aidé, lorsque tu seras père à ton tour, parce que ton trisaïeul Antoine reviendra alors sur la Terre pour être ton fils. Je le sais parce qu’il est descendu spécialement de là où il se trouve pour me le dire, car je l’aimais et il m’aimait. Tu devras l’appeler encore Antoine, car, par lui, sera retrouvé ce qui fut perdu par tous : la Vérité. "

Au moment même où Thomas finissait de parler, le Docteur Maiëutic poussait un cri de soulagement : il venait de parvenir à sectionner le cordon qui serrait le cou de l’enfant et l’étranglait. Celui-ci reprenait des couleurs, son âme était aussitôt rappelée à l’intérieur et l’expulsion pouvait se produire avec un autre cri de soulagement d’Héloïse et de Robert.

 

* * *

 

L’enfant Salvator se montrait distant avec ses parents et n’acceptait pas leurs dogmes matérialistes.

Toutefois, il ne rencontrait pas non plus la nourriture dont son âme avait besoin, car ses parents le tenaient soigneusement à l’abri de toute influence spirituelle.

Lorsque Salvator fut en âge de se marier, il épousa Sophie. Sophie avait été élevée sur un terrain sain, mais son âme n’avait point non plus encore trouvé ce dont elle avait besoin.

Toutefois, ils attirèrent tous les deux, comme prévu, l’âme d’Antoine qui cherchait à revenir.

S’étant installés en Alsace, Antoine fut envoyé à l’école Saint Antoine, une école chrétienne.

Rapidement l’âme d’Antoine y retrouva le Savoir spirituel qu’elle possédait déjà.

Lorsqu’il rentrait de l’école, par ses conversations candides, Antoine mit rapidement ses parents sur la bonne voie, car ils étaient très réceptifs.

Lorsque l’enfant eut sept ans, à l’instigation de Sophie, ils se mirent en quête d’un Enseignement authentiquement chrétien.

Déménageant le grenier d'un vieil oncle récemment décédé lui aussi, ils trouvèrent un vieux numéro d'une Publication en caractères gothiques exprimant la plus pure Sagesse chrétienne - c'était comme l'Enseignement de Jésus nouvellement offert ! - et dont le Contenu se référait à la Lumière de la Vérité descendant sur la Terre.

Répondant à l'Appel et ouvrant cette Revue "au hasard", Sophie tomba sur une page qui parlait des âmes encore "liées à la Terre".

Alors Salvator lut, à voix haute, la Phrase suivante :

" Les péchés des pères se vengent jusqu’à la troisième et quatrième génération. "

Salvator sentit son cœur se gonfler ; puis il crut que sa tête allait exploser. Il regarda autour de lui : il vit Sophie, plongée dans le Cahier vert, sous la pression d’une soif de Savoir dévorante et Antoine qui regardait dans sa propre direction avec un sourire radieux.

Le regardant plus attentivement, il s’aperçut que l’enfant regardait, en fait, au-dessus de lui. Et sans se retourner, il sut que Thomas et Luc se trouvaient là, présents au-dessus d’eux, pour la dernière fois. La malédiction était conjurée et, pour eux tous, le Chemin de l’Ascension était de nouveau libre !

 

FIN