La Confiance

 

 


Le "conte" que l'on va lire pose le problème de la confiance donnée.
L'on pourrait formuler ainsi la question morale qui se pose :

Vaut-il mieux prendre le risque de faire confiance à quelqu'un qui ne la mérite pas que celui de la refuser à celui qui la mérite ?

Un thème connexe, lié à la Confiance, est celui de la Vigilance, car la confiance sans la Vigilance c'est comme de s'embarquer, en tant que le seul maître à bord, dans un bateau, sans s'assurer qu'il n'a pas de trou dans la coque, en dessous de la ligne de flottaison...
Ainsi, dans l'Intuition, l'être humain voulant agir juste se doit-il, sans cesse, de soupeser, afin de - sans risquer de la lui refuser - donner, dans la Vigilance, sa confiance uniquement à qui la mérite...


 

 

Tirant une petite charrette, Kwai Chang et Ho-Fong, deux jeunes prêtres d’une quinzaine d’années du temple Shaolin, se dirigeaient vers le village, lorsqu'un vieillard, sur le bord de la route, les interpella :

 

- « Bonjour, jeunes prêtres. Où allez-vous donc ? »

- « Nous allons acheter à manger pour notre temple », répondit Kwai Chang.

- « Ah… je suis bien content que les prêtres aient de l’argent en ces temps difficiles… Mais j’ai entendu dire qu’il y avait des bandits sur la route principale. Il serait bien plus sage d’emprunter la petite route au pied de la colline. »

 

Le vieillard paraissait digne de confiance… Alors Kwai Chang répondit :

 

- « Merci, vénérable monsieur. Nous suivrons votre conseil. »

 

Et c’est ce qu’ils firent…

 

Mais, alors qu’ils avaient quitté la route principale et traversaient un bois, soudain, des voleurs sortirent des fourrés et se jetèrent sur eux.

 

- « Attendez, on vient du monastère. Arrêtez ! », cria Kwai Chang.

 

Cela ne les arrêta pas et ils se firent copieusement rosser, puis piller…

 

* * *

 

De retour au monastère Shaolin, les deux jeunes prêtres racontèrent leur mésaventure à maître Kan.

 

- « Ils ont pris notre argent, notre charrette, nos vêtements. Tout ce qui avait de la valeur », expliqua Kwai Chang.

- « Sauf ce qui est irremplaçable… », répondit maître Kan. « Vos vies. »

Ho-Fong intervint :

- « Nous nous sommes faits avoir, nous avons fait confiance à un étranger. »

Kwai Chang ajouta :

- « C’était un vieil homme avec un doux visage et de bonnes manières… »

- « Apportez-leur des vêtements ! » ordonna maître Kan, puis, se tournant vers Ho-Fong, il lui demanda :

- « Ho-Fong, quelle leçon as-tu tirée de cette mésaventure ? »

- « Ne jamais croire un étranger. »

Puis, se tournant vers Kwai Chang :

- « Kwai Chang, quelle leçon as-tu tirée de cette mésaventure ? »

- « Se préparer à l’imprévu. »

Alors, se retournant vers Ho-Fong, maître Kan lui dit :

- « Ho-Fong, demain matin, quand tu te seras reposé, tu quitteras le temple. »

- « Quand puis-je revenir, maître Kan ? »

- « Chez nous, jamais. »

 

Sans un mot, Ho-Fong s’inclina respectueusement devant maître Kan, puis, après un regard d’adieu à Kwai Chang, quitta la pièce.

 

Maître Kan s’adressa alors à Kwai Chang :

- « Es-tu troublé à propos de ton ami Ho-Fong ? »

- « Je ne comprends pas pourquoi il doit partir et moi pas... », répondit Kwai Chang, « alors que je suis autant responsable d’avoir cru le vieil homme. »

- « Nous ne punissons pas la confiance. Si en construisant une maison un charpentier plante un clou et que celui-ci se tord, le charpentier ne fera-t-il plus confiance aux autres clous et arrêtera-t-il de construire sa maison ? »

- « Nous devons donc donner notre confiance… même si l’existence du mal nous est souvent rappelée ? »

- « Combats le mal par la force. Mais soutiens la bonté de l’homme par la confiance. De cette façon, nous sommes préparés au mal, mais nous encourageons le bien. »

- « Et ce bien, c’est la récompense de notre confiance ? »

- « Lorsqu’on se bat pour un idéal, on ne recherche pas de récompense. Cependant, la confiance apporte parfois une magnifique récompense, plus formidable encore que le bien. »

- « Qu’est-ce que c’est, qui soit ainsi plus grand que le bien ? » demanda, intrigué, Kwai Chang.

 

Alors, maître Kan répondit :

« L’AMOUR. »

 

Et il se retira, laissant Kwai Chang méditer cette Perle de Sagesse…

 

Tiré d'un épisode de la célèbre série télévisée des années 1970 "Kung Fu"
(la seule série télévisée au monde dont le héros devait être un être humain libéré de la domination de son intellect !)