FRANCHEZZO

Deuxième Partie

- La Pointe du Jour -

XIII

Après un sommeil semblable à la mort, lorsque je vins pour la seconde fois à la conscience dans le monde des esprits, je me trouvais dans un environnement beaucoup plus agréable. Ici, au moins, régnait la lueur du jour. Si cette lumière était encore trouble, elle m'apparaissait comme un bienheureux changement auprès de la sombre nuit et de l'épouvantable demi-jour dans lesquels j'avais vécu.

Je reposais sur un lit d'édredon mou et blanc dans une pièce ressemblant à une propre chambrette terrestre. Une grande fenêtre devant le lit permettait d'embrasser du regard un vaste lointain avec des montagnes et un pays vallonné. On ne voyait certes aucun arbre, aucun buisson ni aucune fleur, exception faite des mauvaises herbes florissantes çà et là. Néanmoins cette pauvre végétation agissait sur l'œil d'une bienfaisante manière. Au lieu du sol dénudé du demi-jour, nous avions ici un tapis d'herbes et de fougères recouvrant le sol.

Cette région était nommée "Le Pays de l'Aube". La lumière ressemblait effectivement à celle qui précédait, sur terre, le lever du jour, avant que les rayons du soleil ne réchauffent la terre. Une teinte grise bleutée colorait le ciel et de petits nuages blancs apparaissaient dans le lointain comme de puissantes images stationnaires. Ceux des environs étaient chassés au loin. En fait, il y avait ici alternance de nuages et de lueur du soleil.

Bien que l'aménagement de la chambre dans laquelle je me trouvais ne fût nullement luxueux, il donnait cependant une impression de réel confort. Il me rappelait l'intérieur d'une maison de campagne de la Terre. Bien qu'il ne s'y trouvât rien de beau, il contenait toutefois tout ce qui était nécessaire et ne donnait pas cette impression de prison dénudée qu'avait mon ancien logement. Des images représentant des scènes de ma vie terrestre, dont la vue me rappela d'agréables souvenirs, me causèrent un réel plaisir. Et quelle joie! Car je remarquais également mon portrait-miroir, ma rose et ma lettre: tous mes trésors.

Je dirigeai mon attention sur le miroir pour voir ce que pouvait bien faire ma bien-aimée. Elle dormait, et son visage avait un heureux sourire, comme si on lui avait fait part, durant son rêve, qu'il m'était arrivé quelque chose d'heureux. Puis, j'allai à la fenêtre et regardai au-dehors sur la longue rangée de collines qui s'étendait devant moi, recouverte seulement d'herbes et de fougères. Longtemps j'ai regardé ce paysage ressemblant à un paysage terrestre mais toutefois différent, si particulièrement dénudé et pourtant si paisible! Déshabitués d'un tel spectacle par mon séjour dans les basses sphères, mes yeux saisissaient avec joie cette vue. La pensée que j'étais à présent éveillé à une nouvelle vie me remplissait d'une inexprimable et profonde reconnaissance.

Finalement je me détournai de la fenêtre. Découvrant une glace à proximité, je m'y regardai pour voir si quelque changement était survenu en moi. Je bondis en arrière avec un cri de surprise et de joie. Etait-ce possible? Etait-ce bien mon visage que je voyais là? Je regardai et regardai encore. Etait-ce vraiment moi? Ah! J'étais devenu à nouveau jeune! Je paraissais tout au plus avoir trente-cinq ans, ainsi qu'au temps de mon plus bel âge sur la Terre. Au "Pays du Crépuscule", mon aspect paraissait si vieux, si maigre et si misérable que j'évitais de me regarder. Je paraissais alors beaucoup plus laid qu'il aurait pu en advenir sur Terre si j'étais devenu centenaire. Mais maintenant j'étais jeune!

Je levai ma main. Elle était fraîche et ferme comme mon visage. Une nouvelle inspection de moi-même me satisfit encore davantage, car j'étais à nouveau sous tous les rapports un jeune homme dans la fleur de l'âge, mais pas ainsi, toutefois, que je l'avais été. Non! Il y avait dans mon visage un sérieux et une certaine expression indiquant la souffrance que j'avais dû subir. Je savais ne plus jamais pouvoir éprouver la joie débordante et insouciante de la jeunesse, car je ne pouvais redevenir et retourner là où j'avais été auparavant. L'amertume de ma vie passée monta à nouveau en moi. Elle mit un terme à mes pensées sereines. Le repentir de mes péchés renaissait et jetait son ombre sur la joie de ce réveil. Jamais la vie terrestre passée ne peut s'effacer au point qu'aucune trace n'en subsiste sur l'esprit. J'ai appris que des esprits beaucoup plus avancés que je ne l'étais moi-même alors, portaient encore eux aussi la trace de leurs précédents péchés et soucis. Ces marques, dans le courant de l'éternité, ne disparaîtront que très lentement. Une grande joie m'avait été accordée, ainsi que l'accomplissement de mes espérances; cependant l'ombre du passé avec son noir manteau pesait sur la félicité même de cette heure.

Pendant que je réfléchissais ainsi à la transformation que j'avais subie, la porte s'ouvrit et un esprit se glissa à l'intérieur. Comme moi désormais il était vêtu d'un long vêtement bleu sombre avec des bordures jaunes et portait sur la manche le signe de notre Ordre. L'objet de sa visite était de m'inviter à une fête célébrée en l'honneur de ceux qui, comme moi, venaient d'arriver des basses sphères.

- "Tout ceci est simple, dit-il. De même que nos fêtes. Toutefois, le sel de l'amitié assaisonnera la fête et le vin de l'amour nous rafraîchira tous. Aujourd'hui vous êtes nos hôtes et nous vous attendons tous pour vous souhaiter la bienvenue à vous qui avez soutenu un dur combat et remporté une respectable victoire."

Sur ce, il me prit par la main et me conduisit dans un vaste hall aux larges fenêtres, offrant une vue dégagée sur la montagne et sur un grand lac tranquille. De grandes tables étaient garnies pour un repas de fête et tout autour, des chaises nous attendaient tous. Il y avait, en bref, plusieurs centaines de frères arrivés avec moi, et quelques milliers d'autres qui se trouvaient là depuis quelque temps. Ceux-ci allaient de l'un à l'autre pour saluer les nouveaux-venus. Ici et là, l'un d'eux reconnaissait un vieil ami, un camarade ou quelqu'un à qui il avait prêté assistance ou dont il avait été lui-même assisté. Tous attendaient l'arrivée du président de la Confrérie dans cette sphère, lequel était appelé "Le Grand Maître".

Soudain on vit s'ouvrir les larges portes d'une des extrémités du hall et une procession fit son entrée. En tête s'avançait un très important et sublime esprit, habillé d'un riche vêtement de ce bleu que l'on peut observer dans les peintures de la vierge Marie. Ses vêtements étaient doublés de blanc et bordés de jaune, et une capuche jaune doublée de blanc lui retombait sur les épaules. Sur la manche on remarquait le symbole brodé de la "Confrérie de l'Espoir". Derrière cet homme suivaient environ cent disciples vêtus de bleu et de blanc, et tenant à la main des branches de laurier.

A l'extrémité surélevée de la salle se trouvait un fauteuil superbe avec baldaquin, blanc, bleu et jaune, où le Grand Maître prit place, après nous avoir tous salués. Les disciples se rangèrent en demi-cercle derrière lui.

Après une prière d'action de grâce au DIEU TOUT-PUISSANT pour nous tous, le Maître se tourna vers nous avec les mots suivants:

-"Mes frères! A vous qui vous êtes rassemblés ici pour souhaiter la bienvenue à ces pèlerins qui doivent, pour quelque temps, trouver repos, paix, amitié et amour dans notre "Maison de l'Espoir", et à vous aussi, nos frères itinérants que nous voulons honorer en qualité de vainqueurs dans le grand combat contre la tentation et le péché, à vous tous nous offrons notre plus cordial salut. Recevez, comme membres de notre grande Confrérie, le signe extérieur de notre hommage, que nous vous offrons parce que vous l'avez honnêtement gagné. Puisse la grande sensation de bonheur qui traverse votre âme vous inciter, dans un amour fraternel, à tendre la main à tous les nécessiteux et à tous les combattants que vous avez laissés dans les ténèbres de la vie terrestre et dans la sphère du plan terrestre.

"De même que vous fêterez vous-mêmes à l'avenir des victoires toujours plus nobles, vous devez toujours chercher à donner de plus en plus de ce parfait amour de notre grand Ordre, dont les Maîtres les plus glorieux habitent dans le Ciel et dont les membres les plus humbles sont encore à combattre le péché dans les plans terrestres les plus sombres. Notre Confrérie doit se déployer en une chaîne ininterrompue du Ciel jusqu'à la Terre, aussi longtemps que cette planète entretiendra la vie physique. Et toujours, vous devez avoir présent à l'esprit que vous êtes des maillons de cette grande chaîne, collaborateurs des anges et frères de ceux qui sont opprimés. Je vous convie à présent à recevoir cette branche de laurier inflétrissable qui doit orner le front du vainqueur, et à la porter en décoration. Au nom du Guide le plus élevé de l'Univers et de tous Ses anges, au nom de notre Confrérie, je couronne à présent chacun de vous avec le laurier et vous consacre à la Lumière, à l'Espoir et à la Vérité."


Beaucoup de nous furent subjugués par cet hommage et ces mots pleins d'amour. Puis nous, les nouveaux-venus, nous nous avançâmes plus près, et sur un signe, nous nous agenouillâmes devant le Grand Maître pour laisser parer nos têtes. Les disciples passaient leur branche au Maître qui nous couronnait de ses propres mains. Quand le dernier d'entre nous eut reçu sa couronne, une tempête de joyeux applaudissements s'éleva parmi les frères rassemblés. On chanta un magnifique chant de louange dont la mélodie et les paroles étaient si agréables que j'aimerais pouvoir vous le répéter en entier. Quand tout cela fut terminé, chacun de nous fut conduit à sa place par un frère de service, et le banquet commença.

On se demandera comment un banquet peut bien avoir lieu dans le monde des esprits. Mais, même sur Terre, tout votre plaisir lors d'une telle fête ne consiste pas seulement en la nourriture que vous prenez et le vin que vous buvez, car chaque fête vous apporte également des joies de nature spirituelle. Ainsi, vous pouvez croire qu'un esprit, lui aussi, éprouve un besoin de nourriture quelconque. Nous en avons besoin et mangeons, bien que nos repas ne soient pas de matière si grossière que les vôtres. Il n'y a pas chez nous de viande ni de choses analogues, excepté dans les plus basses sphères où les esprits liés à la Terre se procurent, par ceux qui sont encore vivants, la satisfaction de leurs convoitises animales.

Dans cette seconde sphère, par contre, on trouve les fruits les plus délicieux, qui sont pour les yeux translucides et qui fondent dans la bouche quand on les consomme. Il y a aussi du vin semblable à un pétillant nectar. Il n'occasionne toutefois pas d'intoxication mais incite à en réclamer encore. Il n'y a rien ici, malgré tout, de disponible qui puisse satisfaire une grossière envie de manger, mais seulement de succulentes douceurs et du pain léger. Le banquet se composait de ce repas et de cette boisson. Pour ma part, je n'ai consommé que ces fruits délicieux que je voyais pour la première fois dans le monde fin-matériel. On nous apprit que ces fruits étaient réellement le produit de notre propre travail, qui s'était développé à la suite de nos efforts au service des autres dans la partie fin-matérielle de notre vie. Après que le banquet eut pris fin, nous nous entretînmes encore quelque temps et un chant de grâce auquel tous participèrent clôtura la fête.

Puis, nous nous dispersâmes. Beaucoup allèrent sur Terre visiter des amis et leur annoncer, dans la mesure du possible, l'heureux événement que nous vivions. Beaucoup d'entre nous, toutefois, étaient encore regrettés comme "âmes perdues" et mortes dans le péché. Il était très pénible pour nous de ne pas parvenir à faire comprendre à ces amis de la Terre que nous vivions désormais dans une espérance heureuse. D'autres frères allèrent pour converser en compagnie d'amis spirituels retrouvés, pendant que, de mon côté, je me hâtais sur le champ d'aller moi-même sur Terre apporter la bonne nouvelle de mon élévation à ma bien-aimée. Elle entendit mon chuchotement, sourit et me répondit qu'elle avait eu le sentiment que cela avait eu lieu... Ma joie, dès lors, fut complète et le bonheur de mon jour d'honneur avait atteint son sommet.

XIV

Maintenant, c'était une heureuse période qui commençait pour moi; une cure de repos et de récupération que je passais la plupart du temps auprès de ma bien-aimée. Certes, elle ne comprenait pas encore tout ce que je lui disais, mais quand même beaucoup, et mes visites chez elle me prenaient tant de temps qu'il me restait à peine le loisir de fouiller les merveilles du "Pays de l'Aube" dont j'étais devenu l'habitant.

Bientôt une nouvelle surprise me fut réservée. Au cours de mes déplacements, depuis ma mort, je n'avais jamais eu l'occasion de rencontrer l'un de mes parents arrivés avant moi dans le monde des esprits. Cependant lorsque, un certain jour, j'arrivai en visite chez ma bien-aimée, elle se montra fort mystérieuse à cause d'un message qu'elle avait reçu et qu'elle devait me transmettre. Elle me raconta peu après qu'un faire-part venant d'un esprit l'avait atteinte et que cet esprit prétendait être mon père. Il avait désiré qu'elle me transmette son message. Je fus saisi à ces mots d'une telle agitation que je pouvais à peine parler. Sur Terre, j'avais beaucoup aimé mon père, car ma mère était morte si tôt que je ne m'en souviens que très faiblement. Mais mon père était tout pour moi. Il prenait part avec joie et fierté à tous les succès de son fils et fondait les plus grands espoirs sur son avenir. Lorsque je fis naufrage dans ma vie, je vis que mes défaillances lui avaient brisé le cœur. Il ne survécut pas longtemps à l'effondrement de tous ses espoirs. Je ne pouvais penser à lui, après sa mort, qu'avec douleur et avec la honte la plus profonde.

Par conséquent, lorsque j'entendis que mon père avait quitté son séjour dans l'au-delà pour venir parler avec ma bien-aimée, je craignis que ses paroles ne fussent rien d'autre que des plaintes sur son fils dénaturé. Aussi, j'avais hâte de savoir si son message contenait une parole de pardon pour son fils qui avait tant péché.

Je ne pourrais répéter ses paroles ni dépeindre l'impression qu'elles firent sur mon âme. Ces paroles tombèrent sur mon âme comme la rosée sur une terre languissante. Le père de la parabole biblique a eu certainement de semblables paroles d'amour et de bienvenue pour son fils prodigue. Combien je sanglotais à entendre ma bien-aimée me répéter son message et combien j'aspirais à revoir mon père et à nouveau me reposer sur son cœur !

A peine avais-je émis ce désir qu'il fut exaucé. Lorsque je me retournai subitement, je vis mon père qui se tenait à mes côtés. Il était exactement le même qu'aux derniers temps de sa vie terrestre. Mais au-dessus de sa tête rayonnait un signe glorieux qu'aucun œil de mortel ne peut jamais voir. Nous n'eûmes pas d'autres mots que: "Mon père!", "Mon fils!" pour nous saluer, et nous nous étreignîmes avec une joie sans borne.

Quand notre émotion se fut un peu calmée, nous parlâmes de celle dont l'amour m'avait accompagné sur la voie vers les hauteurs. J'appris alors que c'était mon père qui avait veillé sur nous, qu'il nous avait aidés et protégés. Il m'avait suivi dans mes déplacements dans le monde des esprits et, durant mes combats, m'avait protégé et consolé. Caché certes à ma vue, il avait toujours été cependant près de moi, infatigablement et dans un amour secourable. Tandis que je me morfondais à la pensée d'une rencontre avec lui, il était là, attendant une occasion de se manifester. Il était parvenu à établir une liaison grâce à celle avec qui, par mon amour, j'étais en si étroit contact, et, par la joie des retrouvailles, à nous amener à des relations encore plus intimes.

XV

Lorsque, après cette entrevue mémorable, je revins au "Pays des Esprits", mon père m'accompagna et nous restâmes ensemble encore longtemps. Là, il m'apprit qu'il était question pour nous d'entreprendre une expédition de sauvetage dans la sphère la plus basse, dans une sphère encore plus basse que celle que j'avais visitée jusqu'ici et qui était vraiment l'enfer évoqué par l'église. Combien de temps devait durer notre expédition? Nous l'ignorions! Nous savions seulement que nous avions à remplir un devoir déterminé et, pareils à une armée d'invasion, devions persévérer jusqu'à ce que notre but soit atteint.

Mon guide me conseilla de me joindre à cette compagnie. Mon père, lui aussi, souhaitait me voir partir avec cette armée de combattants pour la Lumière, la Vérité et l'Espoir. Pour combattre avec succès ces puissances du mal, il fallait être sorti des tentations du plan terrestre et des sphères encore plus basses. Mais d'autre part, afin de pouvoir prêter une assistance efficace aux malheureux, on ne devait pas appartenir aux sphères élevées. Car les esprits qui sont plus avancés que les Frères de l'Espoir de ce premier cercle de la seconde sphère ne peuvent être vus ni entendus des indigents. Et aussi, pour devenir visible, il nous faut, lors du franchissement de cette sphère la plus basse, attirer à nous un peu de leur revêtement matériel, ce dont un esprit plus élevé ne serait pas capable. Les aides des sphères plus élevées qui nous accompagneraient pour nous protéger seraient invisibles pour nous, tout comme pour ceux à qui nous viendrions en aide.

Les participants à l'expédition se tenaient, d'après leurs aptitudes, sur le même degré que moi-même. Nous sentions tous que nous allions beaucoup apprendre par l'observation personnelle des états avilissants dans lesquels nos passions auraient pu nous-mêmes nous conduire au cours de leur satisfaction permanente. En même temps, nous pourrions aussi, de ces sombres sphères, sauver beaucoup de pauvres âmes repentantes et les conduire là où j'avais moi-même séjourné à ma première sortie de la vie terrestre, là où d'innombrables endroits existent pour accueillir des esprits. Ceux-ci étaient alors suivis par des personnalités qui, ainsi qu'eux-mêmes, avaient été sauvées du domaine de l'enfer et qui étaient, de ce fait, mieux douées pour leur prêter assistance... De semblables expéditions étaient envoyées dans les sombres sphères, non seulement par la Confrérie de l'Espoir mais aussi par d'autres confréries du "Pays de l'Aube". Toutes ces entreprises constituaient une partie de cette grande œuvre de sauvetage qui est continuellement en cours, au nom du Père Eternel, en faveur des pécheurs, car Dieu ne donne aucun de ses enfants à l'éternel tourment.(*)

(*) … aussi longtemps qu'existe encore en lui une authentique et forte Aspiration vers la Lumière. Nous savons toutefois, maintenant, notamment grâce au Message de JESUS, qu'un terme est fixé à l'évolution de l'esprit dans la matière par ce que l'on appelle le "Jugement Dernier", qui intervient dans toute la Création matérielle, fine et grossière (de l'Au-delà et de l'En-deçà).

Ces expéditions devaient être commandées par un guide, lui-même sauvé des sphères sombres et qui en connaissait les dangers particuliers. Mais comme on avait l'intention de prendre, à travers le plan terrestre et les sphères plus basses, un chemin que nous ne connaissions pas encore, mon guide de l'Est promit de m'envoyer l'un de ses élèves. Il m'accompagnerait jusqu'aux sphères les plus basses pour m'éclairer sur quelques secrets du plan astral que nous devions traverser au cours de notre voyage, et me faire faire connaissance avec eux.

Hassein (ainsi s'appelait l'élève) explorait chaque secret de la nature tombant dans le domaine de la "magie", qui était tenue pour mauvaise alors que ce n'est que le mauvais usage de cette force qui doit être considéré comme mauvais. Une meilleure connaissance de ces phénomènes "occultes" servirait à prévenir de nombreux méfaits existants et à contourner avec succès quelques-unes de ces mauvaises puissances qui sont souvent préjudiciables à l'être humain en raison de sa regrettable ignorance. Cet esprit élevé, tout comme Ahrinziman lui-même, était de nationalité persane. Chacun d'eux appartenait encore à cette école philosophique dont le grand fondateur fut Zoroastre.

"Dans le monde des esprits, disait Ahrinziman, il existe un grand nombre d'écoles d'orientation différente, dans lesquelles toutes les vérités fondamentales sont enseignées.

"Elles se différencient l'une de l'autre par plusieurs points accessoires. Ce qui est principalement remarquable, c'est qu'elles sont d'un avis partagé au sujet de la manière d'appliquer cette grande Vérité au développement de l'âme. Elles se différencient aussi sur la manière d'arriver à leurs fins lorsqu'il s'agit d'étendre leur savoir sur les choses dont elles n'ont encore aucune connaissance certaine. C'est une erreur de croire que dans le monde des esprits de notre planète, il y a un savoir absolu qui pourrait éclairer les grands secrets de la Création, tels le pourquoi de notre existence, l'existence du Mal en rapport avec le Bien, ou bien celle de l'âme et son origine en provenance de DIEU.

"Les flots de la Vérité Eternelle fluent constamment du grand Centre Spirituel de l'Univers et sont transmis à la Terre par la chaîne des "intelligences" fin-matérielles. Il se peut néanmoins qu'un esprit ne transmette que dans la mesure de sa faculté de compréhension en rapport avec son développement. Et un "vivant" n'est capable d'assimiler que ce que ses facultés fin-matérielles lui permettent d'accepter et de comprendre en fait de Savoir.

"Pas plus les esprits que les vivants ne sont omniscients. Les premiers ne peuvent transmettre que ce que leur disent leurs écoles respectives, et les représentants qualifiés de leur enseignement. Ils ne peuvent aller au-delà, car au-delà de ce point ils ne savent rien eux-mêmes. Ceux qui prétendent posséder les vrais et uniques éclaircissements sur les grands Mystères ne peuvent transmettre que ce qui leur a été enseigné à eux-mêmes par des esprits plus avancés. En me basant sur l'autorité d'un autre qui, dans le monde fin-matériel, est reconnu comme un guide des plus avancés, j'affirme qu'il est tout à fait impossible de donner une réponse définitive pour les questions dernières, ou bien de vouloir éclairer des choses qui dépassent de loin les capacités de l'esprit le plus élevé, et qui doivent dépasser infiniment le pouvoir de saisir de notre sphère terrestre. Les réponses et éclaircissements à ces questions présumeraient une connaissance sans limites de l'Univers. Et plus encore, une intimité avec la Nature de cet Etre Suprême qui, pour tout esprit conscient, ne peut être autre chose que la Grande Vérité inexplorable et inconnue, comme Esprit(*) infini et illimité en tout point.

"Mais tout ce que les esprits et les êtres humains peuvent démontrer et expliquer ne peut l'être que dans le cadre de leur savoir respectif. Au-delà de ce dernier existent à nouveau des limites qu'aucun d'eux ne peut franchir. Comment peut-on montrer la fin dernière à Celui Qui n'a pas de Fin? Ou encore, comment est-il possible à quelqu'un de sonder les énormes Profondeurs de l'Esprit Infini, qui est insondable? L'Esprit est aussi Eternel et Inexplorable que la Vie. Il est Infini et Pénétrant en tout. DIEU est en tout, au-dessus de tout! Personne cependant ne connaît Sa Nature ni de quelle manière est Son Etre. Nous savons seulement qu'IL est présent en tout et partout(**). Plein de vénération, l'intellect de l'être humain doit s'arrêter, dans le sentiment de sa petitesse, justement sur le seuil de ses interrogations, là où il voudrait pénétrer. La seule chose qu'il peut faire est d'explorer humblement et prudemment chaque marche, et de rendre ainsi sûre la prochaine marche avant de s'y engager. Même les esprits les plus sublimes et les plus hardis ne peuvent pas tout saisir à la fois. Avec sa vision limitée, l'être humain de la Terre peut-il espérer que tout doive lui être éclairé, là où les "intelligences" les plus avancées du monde spirituel se sentent elles-mêmes toujours entravées par leur impuissance, au cours de leur recherche de la Vérité?"

Note à nos lecteurs :
(*) DIEU est DIEU ! Sa Volonté est Esprit !
(**) La Force de DIEU est en tout et partout !

Comme il l'avoue ici lui-même, le savoir d'Ahrinziman est encore imparfait, de sorte que le vocabulaire qu'il utilise - ou qui est retransmis par le médium - n'est pas rigoureusement conforme à la Réalité.

En particulier, les points suivants sont à considérer:

1) DIEU n'a pas de "Nature", à proprement parler. IL n'est donc pas une "Entité" (= Quelqu'un qui a reçu une Nature, des Attributs de la part de quelqu'un d'autre) mais "IL EST". IL est non seulement la Source de tout Être ou "l'Être suprême" mais l'ÊTRE "tout court", nous disons qu'IL est "Inentéallique" (= Qui est sans Nature, sans Genre, sans Caractères ni Attributs définissables, donc incréé et insubstantiel).

2) Le Savoir ultime ne peut être qu'humblement reçu - et non découvert - par l'esprit humain, dans la mesure où, par Révélation, il lui est, de marche en marche, en allant vers le bas, transmis par la Chaîne de Guidance, en provenance de Sphères plus hautes.

3) Une seule rare exception à cela: l'Ancrage direct d'un Message Divin, pouvant même - Amour inconcevable! - aller jusqu'à descendre jusqu'à une planète gros-matérielle comme la Terre. C'est, notamment, le cas du Message de Jésus, arrivé jusque sur la Terre il y a près de deux Millénaires et aussi connu dans l'Au-delà fin-matériel, même si c'est souvent avec des déformations.

XVI

L'ami qu'Ahrinziman m'envoyait pour m'accompagner et m'instruire avait, selon le point de vue terrestre, l'aspect d'un jeune homme de vingt-cinq à trente ans. Il me déclara avoir cependant vécu sur Terre plus de quatre-vingts ans! Son actuelle apparence donnait son degré de développement spirituel, déterminant pour l'appréciation de l'âge d'un esprit.

Plus un habitant de l'au-delà déploie ses facultés fin-matérielles, plus son apparence porte le cachet de sa maturité, jusqu'à ce qu'elle devienne finalement celle d'un sage, sans toutefois montrer les rides et les imperfections de l'âge terrestre. Seules la dignité, la puissance et l'expérience de la maturité atteinte arrivent à s'exprimer.

Si, par conséquent, un esprit a atteint le plus haut degré de développement possible de la sphère terrestre (ou de celle d'une autre planète), il a alors l'aspect de l'un de vos patriarches et passe dans ce cas dans la sphère plus élevée et plus développée au-dessus du système solaire auquel appartient la planète en question. Là, il recommence son cycle de vie en tant que jeune homme, car, en comparaison de celui des esprits beaucoup plus avancés de cette haute sphère, son degré de développement n'est que celui d'un jeune homme.

Hassein me raconta qu'il étudiait actuellement les différentes forces et formes de la nature dans les domaines se trouvant en-dessous de la vie de l'âme, et qu'il était en mesure de m'éclairer sur beaucoup de choses remarquables qui nous tomberaient sous les yeux au cours de notre voyage.

-"Beaucoup d'esprits, disait-il, traversent la sphère du plan astral sans être conscients des habitants fantômes de celle-ci. Et cela parce que leurs sens ne sont pas suffisamment développés pour percevoir leur environnement dans tous ses détails.

"Sur Terre, il en est également ainsi. Là, beaucoup de personnes sont incapables de voir les esprits à leur côté, pendant que ces derniers sont parfaitement visibles à quelques êtres humains plus finement disposés. De plus, sur Terre, il y a des gens qui peuvent percevoir, non seulement les esprits d'êtres humains, mais aussi les êtres astraux et les entéaux(*) qui, en réalité, ne sont pas des esprits. On ne doit désigner comme tel que ce qui porte en soi le germe immortel de l'âme. Beaucoup d'êtres entéalliques que nous verrons n'ont jamais possédé d'âme, et d'autres encore ne sont que des coquilles vides de laquelle l'étincelle de l'âme s'est déjà échappée. Et afin de pouvoir différencier une âme-esprit d'une être astral, il faut avoir le don de double vue. Certains, qui n'ont qu'un degré imparfait de clairvoyance, sont bien en mesure de percevoir les êtres entéalliques et astraux mais ils sont incapables de faire nettement la différence entre ces derniers et les formes des âmes spirituelles. Parmi ces clairvoyants imparfaits il règne une grande confusion sur la nature et les propriétés de ces sortes d'êtres.

(*) entéaux = êtres entéalliques, entités de la Nature, (êtres) élémentaux

"Chez les êtres humains de la Terre, on observe plusieurs degrés de clairvoyance que tous expérimentent sur le degré suivant de l'existence, après que le corps spirituel - ou âme - a été libéré du grossier élément de la matière physique. Ainsi continue-t-il à en aller de même progressivement, dans la mesure où l'âme rejette, l'une après l'autre, ses enveloppes matérielles: d'abord la grossière de matière terrestre puis celle de la gradation suivante de la matière fine. Nous ne pouvons croire à une complète séparation de matière et d'âme, pour le moins aussi longtemps qu'elle vit une existence consciente dans le système solaire. Au-delà de ces limites, nous n'avons aucune connaissance déterminée et tout ne peut être qu'objet à spéculation.

"Le degré de développement de l'âme est en relation précise avec le degré de pesanteur de la qualité de la matière qui l'enveloppe. Suivant la plus ou moins grande finesse ou la plus ou moins grande éthérisation de la matérialité de son corps, l'âme y habitant se fixe à un état approprié plus ou moins élevé.

"Dans mes représentations de la voyance, je ne parlerai tout d'abord que du premier degré de la vie consciente de l'âme. Jusqu'au moment opportun, je néglige les théories et opinions qui sont liées à ce qui s'est produit avant l'état de conscience actuel de l'être humain, et aussi ce qui sera s'il franchit les limites de notre savoir actuel.

"Nous trouvons, sur les degrés terrestres de la vie, des personnes, pour la plupart des femmes ou des jeunes garçons, qui sont pourvues de plusieurs degrés de voyance. Les trois premiers degrés se trouvent très fréquemment; les quatrième et cinquième plus rarement. On ne rencontre presque jamais les sixième et septième, excepté chez les personnes qui possèdent, à cet effet, une disposition particulièrement appropriée. Cette particularité est à attribuer à l'influence des constellations sous lesquelles elles sont nées. Principalement à l'influence qui régnait au moment où l'enfant a vu le jour. Ces sixième et septième degrés sont si rares qu'ils ne sont que très peu rencontrés. De temps à autre on en trouve bien avec un sixième degré imparfait, mais qui ne possède rien du septième degré. En pareil cas, les personnes concernées ne peuvent jamais parvenir à une voyance parfaite. Le résultat de cette déficience est comparable à des verres de lunettes sales, on n'a qu'une vue imparfaite de la chose suprasensible. Si de telles personnes ont, jusqu'à un certain point, un coup d'œil dans la sixième sphère, leur vue défectueuse diminue de beaucoup la valeur de ce qu'elles annoncent.

"Toutefois, ceux qui possèdent parfaitement le sixième degré de regard fin-matériel peuvent, en esprit, être élevés même jusqu'à la septième sphère qui, en tant que la plus élevée, signifie le Ciel de la sphère terrestre. Ainsi que Jean, dans le Nouveau Testament, ils verront alors des choses ineffables. A cet effet, il est nécessaire que l'âme soit libérée de tout lien avec le corps physique, à l'exception du mince fil qui sert de lien entre le corps et l'âme et dont la destruction provoque pour toujours une séparation des deux éléments. On peut donc dire qu'en un tel moment, les voyants se trouvent hors de leur corps.

"Il est cependant difficile et dangereux de transporter une âme dans la septième sphère. Même là où la force à cet effet est existante, cela ne peut se produire qu'avec des personnes extraordinairement douées et dans des circonstances tout à fait particulières. La même chose doit être dite des voyants des degrés inférieurs, mais avec la différence toutefois qu'ici, les facultés pourront être utilisées d'autant plus facilement et plus sûrement qu'elles sont moins sublimes.

"Chaque voyant ne peut regarder que dans la sphère qui correspond au degré de sa faculté. C'est cependant un fait à remarquer que beaucoup de clairvoyants possèdent parfaitement un ou plusieurs degrés de vision fin-matérielle et, en outre, un autre plus élevé mais imparfaitement développé. Quand c'est le cas, on observe que le médium n'est pas fiable, qu'il confond les visions. Car, lorsque rentre en action le degré défectueux, le résultat est semblable à ce qu'il se produit lorsqu'on observe un objet avec un bon et un mauvais œil à la fois. Il est de beaucoup préférable de ne rien posséder du tout plutôt qu'une fraction de degré. C'est le degré défectueux qui provoque la confusion lors de l'utilisation du degré parfait. Avec cette faculté défectueuse, on doit faire comme lorsqu'on possède un œil mauvais: on doit fermer celui-ci afin que la vision, bien que limitée, soit tout de même juste.

"Quand, parmi leurs élèves, les anciens découvraient de parfaits clairvoyants dans un ou plusieurs degrés, ils freinaient chez ceux-ci la poursuite du développement, aussi longtemps que la vision imparfaite d'un degré plus élevé pouvait léser la valeur des autres qu'ils possédaient. De cette manière, ils étaient en état d'éduquer plusieurs clairvoyants dignes de confiance avec des facultés modérées, qui, par de plus grands et plus opiniâtres efforts pour se développer, auraient beaucoup plus perdu que gagné.

"Dans l'ancien temps, les clairvoyants étaient répartis en plusieurs classes, comme c'est encore le cas aujourd'hui dans certaines écoles de prophéties de l'Orient. Toutefois, jusqu'ici, cet art n'est plus connu d'une manière aussi parfaite qu'autrefois, quand les peuples orientaux sur la Terre étaient au faîte de leur puissance. Chaque classe nécessitait une éducation spéciale, s'accordant avec le degré respectif de la faculté et du genre du don. Jadis, il n'existait pas en pareille chose cette étrange combinaison de haut talent et de grande ignorance comme c'est le cas de nos jours. Ce n'est que l'incapacité d'utiliser ce don justement et sagement qui produit des imprécisions en de nombreux cas et aussi de nombreux désagréments, tant pour le médium que pour ceux qui veulent aller le voir en vue d'acquérir la connaissance spirituelle.

"De même que l'instructeur de jeunes gymnastes s'imagine à tort que, pour le développement des muscles de ses élèves, il peut les surmener dans leur rendement sans leur causer de dommage, il en va exactement de même chez ceux qui s'occupent du développement de leur force médiale pour en faire un usage exagéré et déraisonnable.

"Quand la connaissance spirituelle sera plus développée sur la Terre, certains hypersensibles, doués des forces nécessaires, recevront des directives qui les rendront capables, sous conduite, de discerner les bas esprits des esprits élevés. Une grande part de la confusion et du danger sera peu à peu éliminée de cette manière.

"Du point de vue spirituel de la vie, il existe beaucoup d'enseignants qui se sont consacrés durant des siècles à l'étude des formes d'existence incarnées sur Terre. Aujourd'hui, ils recherchent justement partout des portes ouvertes par lesquelles transmettre la connaissance qui est d'une véritable utilité pour les hommes.

"Beaucoup ne pouvait pas encore être communiqué. Mais cela serait possible en bien des points et, dans la mesure où la connaissance en la matière sera donnée, les âmes sur Terre s'élargiront et se développeront..."


Je remerciai mon nouvel ami pour son information et pour la perspective de son offre d'aide. Puis, avant mon départ en expédition, je me rendis sur la Terre pour faire mes adieux à ma bien-aimée. Nous ressentions tous deux profondément combien nos relations allaient être perturbées car, si limitées qu'elles fussent par l'abîme qui nous séparait, elles nous apportaient cependant une grande joie à l'un comme à l'autre.

A mon retour, je fus invité à prendre congé de mon père et de mes amis, puis à rejoindre mes compagnons de voyage dans la grande salle afin d'y recevoir la bénédiction de notre Grand Maître. Sitôt fait, notre expédition se mit en route accompagnée des vœux de toute la Confrérie rassemblée.

XVII

On ne peut se faire une meilleure représentation de la route prise pour notre voyage qu'en pensant à une énorme spirale dont la ligne tourne en anneaux circulaires de haut en bas. Un petit point, pas plus gros qu'une tête d'épingle, comme essieu d'une grande roue imaginaire, représentait la Terre au centre de ces anneaux circulaires. Un nombre égal de cercles se trouvait au-dessus et en dessous de la Terre. Les cercles sont disposés dans le même ordre et s'enroulent en commençant près de l'essieu, dans la sphère la plus basse et autour de celle-ci. Ils montent, de cette manière, dans les sphères plus élevées et atteignent finalement la fin de la spirale qui est près de notre soleil central, avec lequel est caractérisé le degré le plus élevé pouvant être atteint par le développement terrestre. Cette description donnera au lecteur une image grossière de la Terre et des sphères qui s'y rattachent, et lui permettra de comprendre comment, de la seconde sphère, nous sommes descendus dans celle du dessous et avons dû traverser le plan terrestre pendant notre voyage.

Alors que nous traversions ce dernier, j'aperçus beaucoup d'esprits de mortels qui se hâtaient çà et là, ainsi que j'avais l'habitude de les voir. Mais maintenant, pour la première fois, j'observais que beaucoup de formes fantomatiques planantes se tenaient auprès d'eux, semblables à ces ombres que j'avais vues au "Pays du Froid", dans l'entourage de l'esprit dans la cage de glace.

Quelques-unes paraissaient vivaces et très acerbes, mais un examen plus approfondi me montra que la lueur de l'intelligence manquait dans leurs yeux et leur expression. A leur aspect d'abandon et de déchéance, on avait l'impression de voir des poupées de cire insuffisamment gonflées. En fait, on ne peut donner de leur apparence une meilleure définition.

Au cours de mes déplacements précédents, je n'avais jamais distingué ces êtres. Quand j'en demandai la raison à Hassein, il me répondit: "La raison principale était que ton travail t'absorbait trop, et ensuite que ta faculté visuelle n'était pas assez développée. Tiens, regarde là!", continua-t-il en attirant mon attention sur un petit groupe bizarre qui se rapprochait de nous en dansant comme des enfants, la main dans la main.

"Observe-les. Ce sont les émanations fin-matérielles corporelles d'âmes et de corps enfantins. Elles se condensent en ces drôles de petites images quand elles arrivent en contact avec l'un des grands courants de vie qui tournent autour de la Terre en amenant sur leurs flots les rayonnements d'hommes, de femmes et d'enfants. Ces petits êtres bizarres n'ont pas de vie personnelle consciente, ainsi que le confère l'âme, et elles sont si fugitives et si éthérées que leur image se modifie comme les nuages dans le ciel. Vois comme elles se réduisent et se forment à nouveau."

J'étais si étonné de ces apparitions naturelles et vivantes ainsi que de leur soudaine disparition qu'ayant remarqué mon air ahuri, Hassein me dit:

-"Ce que tu viens de remarquer à l'instant n'est qu'une forme éthérée de vie élémentale, insuffisamment matérielle pour exister longtemps sur le plan terrestre. Elle est pareille à de l'écume produite par de la vie et de la pensée terrestres, rejetée par le mouvement des vagues. Constate maintenant combien la pesanteur de celle-ci est plus marquée sur le plan astral lorsque sa formation doit à l'impureté."

Je remarquais maintenant, affluant vers nous, un grand nombre d'images sombres, déformées, humaines et cependant inhumaines dans leur aspect. -"Celles-ci, dit Hassein, sont les entités qui surviennent du délire de l'ivrogne. Attirées par son magnétisme corrompu, elles s'accumulent toujours plus nombreuses autour de lui, qui ne peut plus les repousser du fait qu'il a perdu la force de volonté nécessaire à sa protection. De telles "créatures", avec une sorte de disposition humaine gloutonne, se suspendent à lui ainsi que des insectes vénéneux et lui aspirent sa puissance vitale physique comme des sangsues ou des plantes parasites. Il n'est pas de meilleure aide, pour un tel ivrogne, que de trouver sur le plan terrestre de la vie quelqu'un qui possède une puissante volonté et une force magnétique suffisante. Que cette personne prenne le malheureux sous sa protection et le soumette à sa volonté et à l'influence de sa forte puissance magnétique, et le dernier fantôme ne sera alors bientôt plus capable de se maintenir longtemps dans le courant de magnétisme curatif qui se déverse sur le malade et ses parasites. Le magnétisme sain agit comme du poison sur ces créatures et les tue. Elles se détachent de l'ivrogne. Leurs corps perdent de leur cohésion et se dissolvent en vapeur. Cependant, si ces entités n'ont pas reçu une dose suffisante de magnétisme sain pour leur destruction, elles continuent à évoluer et flottent des années durant aux alentours jusqu'à ce qu'elles soustraient la force de vie physique à un être humain ou à un autre et parviennent, avec le temps, à un certain degré de vie bestiale indépendante.

"Elles peuvent être utilisées en cet état par des êtres d'une plus haute intelligence pour l'exécution de travaux auxquels conviennent leurs organisations respectives. En vérité, ces "créatures" vivent et se nourrissent mais ne possèdent pas d'âme. Une certaine classe de magiciens noirs, ainsi nommés, s'en sert lors de leurs expériences et les utilise principalement dans les combats contre leurs adversaires. Semblables à des polypes du sombre fond de la mer, de tels êtres astraux attirent à eux ceux qui, non protégés par des puissances supérieures, osent s'occuper d'eux, et les déchirent de leurs ongles insensibles.

- Explique-moi maintenant, ami Hassein, si, lorsqu'ils sont fixés à un buveur, ces êtres astraux peuvent l'obliger à boire davantage ainsi qu'il en est lorsque l'esprit lié à la Terre d'un ivrogne décédé en influence un autre qui se trouve encore dans la chair?

- Non! Lorsqu'un être humain se livre à la boisson, grâce à la détérioration de son magnétisme qui en résulte, ces êtres peuvent plus aisément s'approcher de lui pour s'en nourrir. C'est la force animale ou force vitale qu'ils convoitent. Elle est la substance vitale pour eux, comme l'eau pour la plante. Mais par le fait qu'ils ravissent sa vitalité à leur victime, ils engendrent en lui une sensation d'épuisement telle que le buveur doit avoir recours à des fortifiants. Ils n'ont aucune influence pour inciter le buveur à boire davantage. Ces entités ne sont que des parasites et leur intelligence est d'une espèce si rudimentaire qu'on peut à peine la désigner par ce nom.

"Pour manifester une pensée et pouvoir la transmettre à un autre, la possession d'une âme, c'est-à-dire d'une étincelle d'essence divine, est requise. Si une telle chose est donnée à un être, il possède alors une individualité indépendante dont il ne peut jamais être déchu. Il peut larguer enveloppe après enveloppe ou sombrer dans des formes plus grossières de la matière, mais, une fois doué de la vie de l'âme, il ne peut jamais cesser d'exister. Et avec son existence lui restent, reçues pour toujours, l'individualité ainsi que la responsabilité personnelle de ses actes.(*)

(*) La "substance" de l'âme est, de toutes façons, impérissable, mais la personnalité, semblable à un enregistrement effectué sur la substance, pour subsister éternellement, doit avoir passé avec succès, le "Jugement Dernier", ce qui prouve sa bonne qualité. Sinon, l'"enregistrement" est "effacé". Il est exclu que le Créateur Parfait conserve éternellement de mauvais "enregistrements".

"Cela est valable tout autant pour l'âme humaine que pour le principe de l'âme intelligente, comme il est dit pour l'animal ou des formes inférieures de vie de l'âme.

"Partout où l'on observe une faculté de réflexion, soit chez les êtres humains en tant que type le plus élevé, ou chez les bêtes en tant que type inférieur de vie de l'âme, l'on peut être assuré qu'il s'agit d'une âme et qu'il ne peut venir en question qu'un degré plus ou moins élevé d'essence fin-matérielle.

"Nous observons chez l'être humain, comme chez les animaux, une faculté d'intelligence qui les différencie seulement d'après leur degré. De ce fait, l'école philosophique à laquelle j'appartiens tire la conclusion que tous deux possèdent, de la même manière, une consciente et intelligente immortalité, différenciée toutefois selon l'espèce et le degré d'essence fin-matérielle, tandis que les bêtes comme les êtres humains semblent avoir, devant eux, un éternel futur pour leur développement.(*)

(*) C'est l'impression que toute créature peut avoir, avant que la fin du temps prévu pour le Développement ne soit venue!

"Quelles sont les limites de la réalité de ces lois? Nous ne pouvons le dire! Nous tirons nos conclusions de l'existence, dans le Monde fin-matériel, des êtres humains et des bêtes qui ont vécu auparavant sur Terre et aussi du fait que les deux se trouvent à un stade plus avancé de l'évolution que ce ne serait le cas dans l'existence terrestre.

"Il n'est pas possible à un parasite sans âme d'influencer la conscience d'un vivant. De telles influences sont dues à des âmes qui ont été incarnées sur Terre et qui ont tellement satisfait leurs bassesses dans leur précédent état qu'elles ne peuvent plus se libérer des chaînes de leur corps astral. Ces âmes visitent la Terre et incitent les êtres humains à boire et à pratiquer leurs vices. Elles sont en état de dominer l'être humain soit partiellement soit entièrement. Le plus souvent, cela se produit quand l'esprit revêt en partie, de son corps fin-matériel, cet être humain qu'il veut influencer, et ce jusqu'à ce qu'une jonction soit établie entre eux (à peu près comme on s'imagine deux enfants jumeaux ayant grandi ensemble et possédant, il est vrai, des corps différents, mais qui sont si intimement associés en esprit que ce que l'un éprouve est aussi ressenti par l'autre). De cette façon, tout le plaisir qu'éprouve le vivant à boire, incité en cela par l'esprit, est aussi partagé par ce dernier. Quand le médium est devenu inapte à boire, l'esprit se détache de lui et s'en va à la recherche d'un autre être masculin, ou d'une victime féminine, de faible volonté et de goût dépravé.

"Toutefois, l'esprit et le vivant ne parviennent pas toujours à se libérer de l'étrange alliance survenue entre eux, par suite de leur satisfaction en commun de la même convoitise. Après de longues relations de cette sorte, il est très difficile pour les deux parties de se séparer. Esprit et humain peuvent être mutuellement dégoûtés l'un de l'autre pendant de nombreuses années sans qu'ils soient en état de déchirer leur lien si, à leur appel, il ne leur est pas prêté assistance de la part d'une puissance plus élevée. Un esprit continue-t-il à influencer un être humain en vue de se satisfaire? Il sombre alors plus profondément et toujours plus bas, entraînant avec lui sa victime dans les abîmes de l'enfer. C'est alors, pour les deux parties, un amer et pénible devoir de regrimper vers le haut, dès que leur aspiration s'éveille vers un état meilleur.

"L'âme seule a la faculté de "penser"(*) et de vouloir. Les créatures sans âme n'obéissent qu'à la loi de l'attraction et de la répulsion, qui est éprouvée par tous les atomes physiques dont l'Univers est constitué. Même lorsque ces parasites astraux ont, selon leur habitude, capté, grâce à la force vitale d'hommes et de femmes, un certain degré de vie indépendante, ils ne possèdent pas l'intelligence de diriger leur propre mouvement ni celui des autres. Ils flottent alentour, tout comme des ferments de fièvre émanant d'une atmosphère marécageuse, et sont attirés plus par certaines personnes que par d'autres. Comme pour des germes de maladie, on peut dire d'eux qu'ils n'offrent qu'une forme de vie très inférieure.

(*) Le mot "penser" ne doit, ici, pas faire penser à la pensée terrestre, qui est le fait d'un cerveau gros-matériel; en réalité, l'âme ne "pense" pas, mais "ressent".

"Une autre classe d'entités sont celles de la Terre, de l'Air, du Feu et de l'Eau, dont les corps sont formés des germes de vie de chaque élément. Quelques-unes, dans leur aspect extérieur, ressemblent aux gnomes et aux elfes qui doivent habiter dans des mines souterraines et des cavernes de montagne. Ainsi les fées sont de telles créatures, que des êtres humains ont vues à des endroits solitaires parmi les Peuples de la Nature; ainsi que selon leur genre, les "esprits" des eaux et les sirènes, ceux du feu et les "esprits" de l'air des vieilles fables.

"[Une autre classe d'entités astrales sont les démons.] Toutes ces entités qui[, en apparence,] ont vie, n'ont [en réalité] pas d'âme, car leur vitalité est soustraite à la vie des hommes et des femmes de la Terre et entretenue par ceux-ci. Ce ne sont que des apparitions accompagnant les êtres humains parmi lesquels ils habitent. Beaucoup d'entre eux appartiennent à un ordre d'existence très inférieur, à peu près sur le même degré que celui des plantes supérieures avec toutefois la faculté de mouvement indépendant. D'autres sont très vivaces, pleins d'étonnantes ou de grotesques propriétés et peuvent aller très vite d'un endroit à un autre. Quelques-uns d'entre eux sont inoffensifs, pendant que d'autres sont mauvais, car les êtres humains auxquels ils doivent leur existence appartiennent à une race plus sauvage.

"Ces curieuses entités ne peuvent exister longtemps parmi les peuples ayant atteint un degré de développement spirituel supérieur, parce que les germes de vie émis par les êtres humains contiennent alors trop peu de vie animale inférieure(*) pour les alimenter suffisamment. Par conséquent elles meurent et leurs corps s'évaporent. De même que les peuples progressent et deviennent plus spirituels, ces formes de vie inférieure du plan astral disparaissent de cette sphère terrestre. Les générations ultérieures en viennent alors à d'abord douter de ces formes puis, plus tard, à les contester complètement. Ce n'est que dans les religions orientales possédant des chroniques étendues que l'on trouve des comptes-rendus sur ces sortes d'êtres indépendants, avec la raison de leur existence.

(*) Il faut, par là, comprendre "mauvaises intuitions" ou "mauvaises pensées", les deux alimentées par différentes gradations de la Force neutre parcourant toute la Création et traversant donc les êtres humains qui en sont les auteurs.

"Maintenant, vois, ô Homme de l'Occident, quelle science tes savants ont fait bannir et reléguer dans le domaine des fables et de la fantaisie! A cause de cela, l'être humain, enfermé dans les étroites limites de ses sens physiques, a commencé à douter du fait qu'il possède une âme, ou un moi plus élevé et plus pur que ce qu'il connaît communément dans la vie de la Terre. Contemple la multitude d'êtres qui entourent l'homme de toutes parts, et demande-toi s'il ne serait pas préférable pour lui d'être en possession d'une connaissance lui permettant de se protéger des nombreux pièges dans lesquels il va s'engager, en complète ignorance de leur danger.

"Aux temps les plus anciens de la Terre, il suffisait à l'être humain d'élever son regard vers son Père céleste pour implorer de Lui aide et assistance. Dieu alors envoyait Ses Anges ou Ses Esprits servants pour la protection de Ses enfants humains. Dans les temps nouveaux, tel un vigoureux mais immature adolescent, l'être humain cherche dans sa suffisance, non plus vers le Haut mais seulement en lui-même. Aveuglé par son orgueil et son ignorance, il se jette dans le danger, les yeux voilés. Il se détourne des choses que son intelligence limitée ne peut comprendre et des personnes qui pourraient l'instruire. Du fait qu'il ne peut voir son âme, la peser et l'analyser, il prétend que l'homme n'a en réalité pas d'âme et qu'il agit au mieux en jouissant de cette vie terrestre selon les possibilités, puisqu'il mourra un jour pour retourner à la terre alors que sa conscience et son individualité seront éteintes. Ou bien, dans la peur lamentable du destin inconnu qui l'attend, l'être humain se réfugie fébrilement dans de vagues superstitions ou auprès des sombres dogmes de ceux qui se prétendent guides sur la voie vers le pays inconnu, bien que possédant eux-mêmes en la matière, à peine plus de savoir précis que l'être humain le plus inculte.

"C'est pourquoi, dans Sa compassion envers Ses enfants égarés, DIEU a grand ouvert, et plus que jamais dans les derniers temps, les portes qui relient les deux mondes. A nouveau, IL a envoyé Ses messagers pour mettre les êtres humains en garde, Ses Envoyés pour leur indiquer la voie vers la vraie félicité d'une vie plus élevée et pour leur montrer cette puissance et cette connaissance qu'ils peuvent posséder de droit. Ainsi que parlaient autrefois les prophètes de l'Antiquité, parlent aujourd'hui les messagers! Et s'ils le font plus clairement et d'une manière un peu moins voilée qu'autrefois, c'est parce que l'être humain est sorti maintenant de l'âge de l'enfance et qu'il doit lui être montré aujourd'hui, d'une façon raisonnable et scientifique, ce sur quoi il doit fonder ses espérances et sa croyance."


"Ecoutez la Voix!", s'écria Hassein alors qu'il se tournait en élevant la main vers une petite boule ronde qui semblait planer à l'horizon et que nous reconnaissions comme la planète Terre, lourde de soucis. "Ecoutez la Voix qui dit là-bas: Venez à Moi ceux qui sont dans la peine et chargés de soucis! Et écoutez-nous aussi, nous qui vous parlons. Ne détournez pas vos oreilles! Avant qu'il ne soit trop tard(*), reconnaissez que DIEU n'est pas un dieu de mort mais un DIEU de Vie, car tout vit pour l'éternité. La vie règne partout et en tout: même la Terre engourdie et ses durs rochers sont formés de germes de vie dans lesquels chacun possède son propre degré de vie. Même l'air que nous respirons et l'éther libre de l'espace universel sont remplis de vie. Et il n'y a aucune pensée que nous n'émettions sans qu'elle vive vers le Bien ou vers le Mal. Aucun agissement dont l'image ne reste attachée à l'âme pour le tourment ou la consolation, au jour de la libération de son incarnation dans une forme terrestre. La vie est en toute chose et DIEU est la Vie centrale de tout."

(*) Dans cet "Avant qu'il ne soit trop tard" réside déjà, voilée, la Connaissance du "Jugement Dernier".

Hassein se tut et poursuivit d'un ton plus tranquille: "Regarde là! Qu'est-ce que c'est?" Il m'indiquait quelque chose qui me parut tout d'abord être une masse de personnages fin-matériels, planant en notre direction comme s'ils étaient poussés par un vent violent. Quand ils furent plus près, je remarquai qu'il s'agissait d'enveloppes astrales sans âmes mais tout à fait différentes de ces fantômes que j'avais vu harceler l'homme dans la cage de glace. Ils avaient une forme consistante et, à mes yeux fin-matériels, ils paraissaient vivants et pleins d'énergie animale. Pourtant, ils semblaient plutôt être des automates et ne posséder aucune intelligence. En dérivant, ils dansaient comme les bouées auxquelles s'attachent les bateaux sur la mer. Quand ils furent arrivés à notre portée en rangs serrés, mon ami tendit sa volonté et retint l'une de ces formes qui resta alors à flotter en l'air.

-"Maintenant, regarde! dit-il. Ceci est une chose qui a l'air d'être une poupée animée, constituée d'innombrables petits germes de vie. L'être humain donne continuellement de son corps physique à de tels germes, et les derniers proviennent exclusivement de sa vie animale ou inférieure. Ils sont toutefois suffisamment matériels pour se transformer en ces imitations d'hommes et de femmes terrestres, lorsqu'ils viennent en contact avec la force magnétique du plan astral. D'un autre côté, ils ne sont pas assez matérialisés pour être visibles à l'œil purement physique de l'être humain car, afin de les voir, un infime degré de faculté de clairvoyance est requis. Si tu avais possédé un plus haut degré de clairvoyance, tu aurais vu que cela n'est pas vraiment un corps spirituel, car le principe spirituel y manque. Un encore plus haut degré de perception spirituelle te ferait reconnaître qu'une âme n'a jamais habité cette forme qui n'a jamais été l'enveloppe astrale fin-matérielle d'une existence consciente. Vis-à-vis de ces apparitions astrales, les clairvoyants habituels n'ont pas un coup d'œil suffisant pour distinguer ces différents degrés de clairvoyance. De ce fait, il n'y a sur Terre que peu de clairvoyants pouvant dire si ceci est une forme astrale avec âme, ou bien dont l'âme s'est séparée, ou encore si c'est une forme dans laquelle une âme n'a jamais existé. Je vais de suite te montrer une expérience avec cette forme astrale.

"Examine tout d'abord cet être tel qu'il est maintenant. Il semble être frais, plein de vie animale terrestre et ne donne pas l'impression de déchéance des formes vues récemment, ayant jadis enveloppé une âme et se trouvant dans un état en cours de rapide décomposition. Mais imprègne-toi bien de ceci: cet être astral, apparemment vigoureux, tombera en ruine beaucoup plus rapidement que les autres car, en lui, il n'y a rien de ce principe de vie supérieur qu'on trouve chez un être astral ayant autrefois contenu une âme, qui l'a longtemps animé et l'a protégé d'une destruction complète. Les formes astrales doivent tirer leur vie d'une source plus élevée (donc de véritables germes d'esprit) sinon elles cessent bientôt d'exister et se dissolvent.

- Mais,
demandais-je, comment adoptent-elles la forme d'hommes et de femmes?

- Par la force des courants fin-matériels magnétiques qui fluent à travers tout l'espace éthérique, comme les courants des océans. Ces courants de vie magnétique sont d'une espèce plus subtile que ceux connus par la science de la Terre. Ces formes représentent le côté fin-matériel de ces courants et agissent comme telles sur cette masse de nuages d'atomes humains et, à vrai dire, de la même façon que l'électricité agit sur l'humidité gelée d'une vitre. Ici se réalisent ainsi des formes ressemblant à des hommes et des femmes tandis que, sur Terre, l'humidité gelée est transformée par l'électricité en images semblables à des arbres, des plantes etc.

"C'est un fait reconnu que, dans le règne végétal, l'électricité joue un rôle actif dans la réalisation de la forme des feuilles, des arbres, etc. Mais peu de gens savent que ce magnétisme raffiné a une part semblable dans la formation des formes humaines et de la vie animale. Je qualifie de vie animale toutes ces formes qui se trouvent parmi les êtres humains.

- Y a-t-il aussi des formes astrales d'animaux?

- Certainement! Leurs combinaisons sont parfois étonnantes et bizarres. Mais je ne peux te les montrer maintenant parce que ta faculté visuelle n'est pas assez développée et que nous voyageons trop rapidement pour que je puisse te les expliquer convenablement. Tu pourras les voir un jour, ainsi que beaucoup d'autres choses remarquables en relation avec le plan astral. Je peux déjà te dire que tous les atomes sont divisés en différentes classes principales, et que chaque subdivision possède une attraction particulière vers une autre de son genre; ainsi les atomes végétaux s'attirent réciproquement pour former ensemble des plantes et des arbres astraux, tandis que les atomes animaux se constituent en formes pareilles à des bêtes, des oiseaux, etc. Les atomes humains, par contre, forment les corps des hommes et des femmes.

"Dans bien des cas où les êtres humains dont sont issus les atomes se trouvent dans un très bas degré de développement et sont proches parents des animaux, leurs atomes se mélangent avec ceux de formes de vie inférieure. Ils engendrent alors d'étranges et effrayantes créatures, qui ressemblent à la fois à des bêtes et à des hommes, et qui, si elles sont vues d'un clairvoyant en état de demi-transe, peuvent être décrites comme des visions de monstres.

"Dans la sphère terrestre sont continuellement émis par les êtres humains un nombre énorme de ces atomes vivants de basse nature ou animale. Les êtres humains entretiennent et renouvellent ainsi des formes astrales. Transporterions-nous ces enveloppes sur une planète qui, élevée au-dessus du degré de la vie matérielle, serait spiritualisée, ces êtres astraux, dès lors, ne pourraient plus exister. Ils se résorberaient comme des émanations nuisibles et seraient soufflés au loin.

"Ainsi que je te l'ai déjà dit, ces êtres astraux créés d'une masse nuageuse d'atomes humains et n'ayant jamais servi d'enveloppe à une âme, sont, selon leur nature, à peine plus durables que les formes de givre sur une vitre; excepté lorsque la force d'une plus haute intelligence agit sur eux pour renforcer leur vitalité et prolonger par là leur existence. De par leur aspect sans expression, pareils à des poupées de cire, ils se laissent imprimer une individualité quelconque. Ainsi s'explique qu'aux temps anciens, ils furent utilisés par les magiciens et autres initiés. Les atomes astraux engendrés par les arbres, les plantes, les animaux et les êtres humains ne doivent pas être confondus avec les atomes fin-matériels habillant une âme et dont se compose le monde fin-matériel et ses habitants. Les êtres astraux sont d'un degré de matérialité intermédiaire entre la matière grossière de forte densité de la Terre et la matière plus raffinée du monde fin-matériel.

"Si nous parlons d'une âme revêtue de son enveloppe astrale, nous pensons donc à une âme liée à la Terre, trop affinée ou trop immatérialisée pour l'existence terrestre, ou bien pour pouvoir passer dans les sphères plus basses, mais encore trop grossière pour passer dans les sphères plus élevées du monde fin-matériel.

- Ainsi tu crois,
lui demandais-je, qu'en ce qui concerne son corps, un esprit animé est encore plus raffiné dans les sphères les plus basses qu'un esprit lié à la Terre?

- Oui, certainement. Le plan astral s'établit comme une ceinture autour de cette planète. Il se compose d'une matière trop fine pour être assimilée (aspirée) par la Terre à nouveau, et en même temps trop grossière pour pouvoir échapper à l'attraction de cette planète et s'élever dans les sphères du monde fin-matériel, où celles-ci causeraient la décomposition ou la transformation des formes. De façon générale, ce n'est que par la forme animée du magnétisme fin-matériel qu'elle contient qu'elle est capable de se maintenir dans une forme quelconque.

"Chez les formes astrales humaines ayant possédé, en tant qu'enveloppes fin-matérielles, une vie individuelle, les atomes astraux ont intégré en eux une plus ou moins grande quantité de magnétisme fin-matériel ou de réelle essence de vie. Et toujours selon que l'existence terrestre fut bonne ou mauvaise, sublime ou dévergondée, ce magnétisme fin-matériel anime l'enveloppe pour un temps plus ou moins long et constitue un lien entre elle et l'âme qui lui conféra vie. Chez une âme dont les désirs n'étaient orientés que vers les choses élevées, le lien est bientôt détaché et l'enveloppe astrale se décompose vite. Dans le cas contraire, le lien peut durer un siècle tandis que l'âme est enchaînée à la Terre et donc effectivement liée à la Terre.

"La matière astrale a retiré de l'âme tant de faculté de vie que l'enveloppe vide plane encore au-dessus de la Terre, pareille à l'image blafarde de son occupant décédé, après que l'âme mauvaise ait elle-même sombré dans les basses sphères. De telles enveloppes planantes sont parfois perçues par des clairvoyants au-dessus de l'endroit où elles ont vécu jadis. Ce sont, en vérité, des spectres. Ils n'ont pas d'intelligence propre car l'âme s'en est enfuie. Ainsi ne peuvent-ils pas influencer des médiums ni faire bouger des tables. Ils ne font rien d'autre que de servir d'agent mécanique à une intelligence plus haute, peu importe qu'elle soit bonne ou mauvaise.

"L'être astral devant nous n'a aucun magnétisme spirituel et n'en a jamais possédé. Aussi va-t-il bientôt se dissoudre et ses atomes seront attirés par d'autres. Vois donc ce à quoi il peut servir si je fais agir sur lui ma force de volonté et que je l'anime pour un temps de ma personnalité."


Tandis qu'il parlait, j'observais la poupée astrale, voyais qu'elle prenait vie, faisait preuve d'intelligence puis se glissait vers un membre de la Confrérie choisi par Hassein. Elle lui frappa alors sur l'épaule, semblant lui dire: "Ami! Mon maître Hassein te salue!" Après cela, elle s'inclina devant le frère étonné, puis glissa de lui jusqu'à nous comme si Hassein la tenait par une corde ainsi qu'un singe dressé.

-"Tu as vu, dit-il, comment je peux employer à mon gré cet être astral, si j'ai envie d'accomplir une œuvre à distance. Maintenant, tu connais l'un des moyens employés jadis par les magiciens pour accomplir un acte très éloigné d'eux, sans s'y trouver eux-mêmes.

"Ces êtres astraux ne peuvent, toutefois, être utilisés que sur le plan astral. Ils ne peuvent en aucune manière mettre des objets physiques en mouvement, bien qu'ils soient visibles à l'œil physique quand le vivant qui s'en sert le veut. Il existe par contre des êtres astraux de matérialité plus grossière qui en sont capables, et que l'on pourrait même faire pénétrer dans la terre pour transporter des profondeurs à la lumière, des trésors cachés comme des métaux rares et des pierres précieuses. Mais je ne pense pas qu'il soit bon de te conseiller ni de t'expliquer la force par laquelle cela pourrait être exécuté. Les magiciens qui découvrirent de telles forces et les employèrent en sont, tôt ou tard, devenus les victimes, parce qu'ils parvenaient rarement à les surveiller et à les dominer longtemps.

- Si cet être astral venait à être animé par une intelligence mauvaise, cela signifierait-il un réel danger pour les êtres humains?
demandai-je.

- Oui, sans aucun doute! Personnellement, je ne pourrais moi-même me vêtir sans crainte dans cette forme astrale, mais il n'en va pas de même pour un esprit plus ignorant que moi. Il lui serait bien possible de le faire et de se rendre sensible et visible dans un personnage plus dense, mais il courrait le danger d'établir par là une liaison entre lui et l'enveloppe astrale, liaison ne pouvant être aisément détruite et qui l'enchaînerait pour longtemps au plan astral. Tu constates par là que les êtres humains de la Terre qui cherchent à revoir leurs amis décédés ne parviennent qu'à réattirer des esprits dans les relations terrestres et, de cette façon, à leur nuire le plus souvent.

"Plus d'un esprit ignorant qui, en soi, était pur et bon, a commis la faute de se vêtir avec l'une de ces formes astrales, fraîche et dangereuse, alors qu'en d'autres circonstances, il n'aurait utilisé qu'une enveloppe astrale un peu moins dangereuse laissée par un autre esprit. Il lui fallut apprendre trop tard, à son détriment, qu'il s'était lui-même rendu prisonnier du plan terrestre, et cela jusqu'à la venue d'une intelligence plus élevée qui l'assistera et le libèrera.

"Des esprits d'une basse sphère peuvent aussi se vêtir, de la même façon, d'une enveloppe astrale vide. Mais dans ce cas, celle-ci conserve la densité de leur corps fin-matériel, liée au degré de développement de leur âme. Car le magnétisme émanant d'un esprit inférieur agit sur la forme astrale comme un gaz empoisonné sur une gaine et la désagrège en mille morceaux. A un esprit parvenu au-dessus du plan astral, un corps astral paraît aussi dur que du fer, mais pour un esprit situé au-dessous, ces gaines sont fragiles comme des nuages ou de la vapeur. Moins une âme est développée, plus dense est sa gaine et plus elle lui reste fermement liée, pendant qu'elle circonscrit la force psychique et empêche l'âme de s'élever dans une plus haute sphère.

- Tu crois donc que des esprits utilisent parfois ces gaines astrales de la manière dont ils utilisent les médiums et qu'ils les dirigent seulement par leur volonté ou s'entourent effectivement de leur forme?

- Oui! Certainement! Un esprit d'un plan situé au-dessus du plan terrestre qui veut se montrer à un clairvoyant du degré le plus bas, revêtira parfois une telle gaine qu'il imprégnera de son identité. De cette manière, le clairvoyant peut l'apercevoir et le décrire. En cette circonstance, le danger existe souvent que l'esprit, bon mais ignorant, ne puisse abandonner l'enveloppe astrale aussitôt qu'il le veut. Il l'a animée et s'est fait capturer par sa puissante force vitale. Il est parfois difficile de le libérer. De la même façon, on a constaté qu'une trop longue et trop forte influence persistante d'un esprit sur un médium établit entre eux une liaison qui devient finalement un enchaînement.

"Pour un esprit de la plus basse sphère, une enveloppe astrale n'est qu'un manteau confortable et pratique dont il recouvre son corps spirituel déchu et qui met le clairvoyant dans l'impossibilité de discerner en lui l'esprit vil. Par contre, pour un esprit pur et bon, une enveloppe astrale est semblable à une cuirasse de fer qui pourrait l'incarcérer.

- Un esprit se sert-il de telles enveloppes astrales au cours des séances de spiritisme sur Terre, pour l'initiation d'un autre?

- Cela se produit souvent lorsque le spectre est d'une espèce trop vile pour pouvoir entrer en contact avec le médium. On ne doit pas oublier la manière merveilleuse avec laquelle les pensées des hommes et des femmes se reflètent dans l'atmosphère du plan astral et peuvent ainsi être lues par des esprits, qui y répondent. Tous les esprits n'en sont pas capables. Ici, comme ailleurs, cela requiert intelligence et entraînement.

"Les hommes ont peu à craindre des pauvres esprits sous-développés du plan terrestre et des sphères inférieures, car, souvent, ils prennent volontiers la main offerte pour gagner un appui. Mais ils ont bien raison de craindre les intelligences mauvaises qui, fortes en esprit et en corps, n'utilisent leurs pouvoirs qu'à des fins mauvaises. Celles-là sont un véritable danger pour les êtres humains et l'on doit s'en garder avec soin, ce qui ne pourra s'accomplir avec succès que lorsque les médiums incarnés sur Terre seront mieux instruits. Les vivants et les esprits collaboreront alors pour protéger du mensonge les mouvements spirituels, ainsi que des erreurs des êtres humains et des esprits bienveillants mais mal instruits. Pendant que ces derniers dirigent sur ce point l'attention des masses, ils causent fréquemment des dommages à eux-mêmes et aux autres.

- Tu ne crois donc pas non plus que la pureté de leur intention suffise à les protéger?

- La pureté de son intention pourrait-elle empêcher un enfant de se brûler quand il met la main au feu? Non. Le seul moyen est de tenir l'enfant aussi éloigné que possible du feu. C'est ce que font, en grande partie, de bons et sages esprits protecteurs. Mais si les enfants vont se frotter constamment au danger, il n'est alors pas possible d'éviter que l'un d'eux ne se brûle de temps à autre.

- Par conséquent, tu ne recommanderais pas le développement des facultés médiales chez tous les vivants sans distinction?

- Certainement pas! Je souhaiterais que ne puissent se servir de leur force médiale que les seuls hommes ayant été formés soigneusement sous une sage direction, pour être ensuite capables d'utiliser leurs pouvoirs pour le bien. Considère toutefois combien les motivations des êtres humains doués d'aptitudes médiales peuvent être diverses et égoïstes! Rends-toi alors compte de l'énorme difficulté de les protéger! J'avoue que j'aimerais savoir les pratiques de médiumnité autorisées seulement à ceux qui sont prêts à y consacrer un plus grand don personnel. Ce serait de préférence des médiums ne prenant aucune part aux efforts ambitieux de l'humanité. Mais assez parlé sur ce sujet! Je laisse maintenant s'éloigner cette enveloppe astrale car j'aimerais attirer ton attention sur une autre catégorie de cette même classe."


Tandis qu'il parlait, il fit un rapide geste de la main au-dessus et vers le haut de l'enveloppe astrale et prononça quelques mots en langue étrangère; après quoi, l'enveloppe arrêta son mouvement et tangua quelques secondes pour être finalement emportée, comme un morceau de bois flottant sur les vagues, par un courant magnétique affluant vers nous. Je la suivis un moment du regard. Lorsque je m'en détournai, je remarquai une petite nuée de spectres sombres, à l'apparence d'affreux personnages, qui se rapprochaient de nous. C'étaient également des enveloppes astrales n'ayant jamais contenu de vie spirituelle. Mais, contrairement aux plaisantes poupées de cire astrales dont nous venions de nous séparer à l'instant, celles-ci avaient un aspect repoussant.

-"Ceux-ci, dit Hassein, sont des émanations d'hommes et de femmes d'une espèce inférieure, aux mœurs mauvaises et sensuelles. Ils proviennent des bas-fonds de l'existence humaine, pas seulement de la lie sociale de la société mais également de cercles plus élevés parmi lesquels se trouvent aussi des individus moralement corrompus. Des êtres astraux comme ceux-ci peuvent être utilisés aux fins les plus malfaisantes s'ils sont animés par une intelligence mauvaise. Comme ils sont très matériels, on peut même influer avec eux sur la matière physique de la Terre. Par là, ils trouvent parfois emploi dans les exercices de ceux qui pratiquent la magie noire ou la sorcellerie. Ils sont aussi utilisés quelques fois par de plus hautes intelligences, pour produire des phénomènes physiques dans une séance de spiritisme.

"Lorsque de bonnes et sages intelligences les utilisent, il n'en résulte aucun dommage. Cependant, sous la conduite d'esprits mauvais ou ignorants, ils sont un danger qui va au-delà de toute description. D'une classe d'enveloppes astrales ressemblant à celles dans lesquelles languissent encore, comme dans une prison, des germes d'esprits, celles-ci sont à l'origine de ces sauvages et dangereuses manifestations observées quelques fois au cours de séances de spiritisme, et ceci tout particulièrement quand les membres du cercle spirite ont des mœurs dépravées ou sont inexpérimentés sur la manière de se protéger. Et aussi quand les séances sont organisées par curiosité malsaine.

- Mais dans quelle catégorie ranges-tu les démons et les vampires auxquels on croit dans beaucoup de régions de la Terre?

- Les vampires sont des esprits ayant eu une existence terrestre et qui en ont tellement abusé que leurs âmes sont encore emprisonnées dans l'enveloppe astrale. Ils soustraient l'élément vital physique aux hommes et aux femmes pour se maintenir ainsi en vie et se sauver de la chute dans les sphères plus basses. Ces êtres s'accrochent de toutes leurs forces à leur enveloppe astrale et cherchent à en prolonger la vie, exactement comme le font les êtres humains de mauvaise conscience qui, souvent, ne veulent pas mourir, parce qu'en raison de l'abandon de leur corps physique, ils craignent de sombrer dans les profondeurs inconnues des ténèbres et de l'épouvante. Le renouvellement continuel de leur vie animale et astrale permet souvent à ces vampires de maintenir leur être près de la Terre durant des siècles.

- Est-il possible, sans plus, à un vampire de rester quelque temps en possession d'un certain degré de matérialité (corporelle) pour pouvoir circuler parmi les êtres humains, ainsi que le relatent les histoires traitant de telles créatures?

- Si, par là, tu demandes si le vampire est en état de se former lui-même un corps matériel, alors je te réponds: non! Mais il arrive parfois qu'il prenne complètement possession du corps d'un vivant, ainsi que le font également d'autres esprits, et il fait alors agir selon sa volonté ce corps qu'il s'est approprié. De la sorte, il est très possible au vampire revêtu du corps vivant d'un autre, de transformer l'aspect de cette enveloppe afin qu'elle ait quelque ressemblance avec l'apparence terrestre qu'avait le vampire.

"Par la puissance qu'il (ou elle, car il y a des vampires des deux sexes) atteint par la possession d'un corps physique, il est effectivement capable de mener cette double vie qui est décrite dans les histoires de vampires. Toutefois, peu de vampires sont en possession d'un corps terrestre. Les autres mènent leurs existences sur la Terre dans leurs enveloppes astrales. Ils soutirent surtout la force vitale à des personnes médiumniquement vulnérables, sans que ces personnes ainsi vidées aient une quelconque connaissance de l'existence de cet être astral. De tels pauvres mortels souffrent d'une continuelle sensation de faiblesse, sans pressentir de quelle circonstance elle est redevable.

- Mais des esprits protecteurs ne peuvent-ils pas protéger les vivants contre ces êtres?

- Pas toujours! Ce faisant, ils protègent bien les êtres humains mais de la manière dont on préserve quelqu'un d'une maladie contagieuse. Ils avertissent du danger les êtres humains et leur recommandent d'éviter les endroits où les vampires sont surtout très attirés, par suite de leurs relations avec leur ancienne vie terrestre. Un esprit protecteur agit en sorte d'inspirer, à la conscience du vivant, une crainte instinctive devant les lieux où des crimes ont été commis ou bien où des personnes ont mené une vie dépravée. Mais il n'est pas possible de faire plus, du fait que l'être humain doit rester libre de son choix. Il ne doit pas être dirigé en tout point comme une marionnette, et surtout, il doit faire ses propres expériences, quelle que soit temporairement l'amertume de leurs fruits. Enseignements, protections et aides sont toujours disponibles, mais de telle sorte qu'ils ne s'opposent pas au libre arbitre de l'être humain. En général, il ne lui est jamais donné d'enseignements qu'il n'ait lui-même sollicités. Du monde fin-matériel, rien n'est jamais donné de force."

XVIII

J'aurais encore aimé poser à Hassein de nombreuses questions relatives au plan astral et à ses multiples et remarquables formes de vie. Mais maintenant, nous laissions rapidement ce plan derrière nous et notre route conduisait vers le bas, à travers ces sphères profondes que j'ai déjà évoquées auparavant. Avec une étonnante rapidité, nous traversions l'espace à une allure folle, à une vitesse qui dépasse le concept de l'intellect humain. Nous volions toujours plus bas, nous éloignant de plus en plus des sphères brillantes. Durant cette glissade de haut en bas, une sensation d'attente anxieuse s'empara de notre âme et fit taire toute conversation. C'était comme si nous ressentions d'avance l'horreur de ce pays et les souffrances de ses habitants.

J'apercevais maintenant dans le lointain de grandes masses de fumée d'un noir d'encre qui, semblables à un sombre manteau, s'accrochaient au pays dont nous nous rapprochions. Comme nous arrivions plus près, les monstrueux nuages noirs paraissaient imprégnés de flammes sulfureuses blafardes, comme émanant de myriades de volcans gigantesques. L'air était si oppressant que nous pouvions à peine respirer, cependant qu'une sensation d'épuisement comme je n'en avais jamais ressentie paraissait paralyser tous mes membres. Finalement, notre guide donna l'ordre de faire halte, et nous prîmes pied au sommet d'une grande montagne noire. Celle-ci paraissait voguer sur une mer d'encre et, de là, nous voyions à l'horizon s'étaler un sombre pays.

C'est ici que nous fîmes halte quelque temps, et ici aussi que nous devions nous séparer de nos amis qui nous avaient accompagnés si loin. Après un simple repas de fruits fin-matériels nourrissants apportés avec nous, notre guide, au nom de la Confrérie, dit une courte prière pour la protection et la Force, après quoi nous nous allongeâmes pour dormir sur le sommet de cette montagne noire.


Quand je revins à moi, après un long état d'inconscience très agréable, tous étaient comme moi très alertes. Nous fûmes répartis par groupes de deux ou trois personnes afin de pouvoir pénétrer dans le pays ennemi sans éveiller de soupçons. Nous devions nous disperser dans ce pays ténébreux tels des missionnaires apportant le salut et l'aide à tous ceux qui étaient volontaires pour accepter notre assistance.

Je constatai avec étonnement qu'une transformation s'était opérée en moi pendant mon repos. Elle consistait en une adaptation continue à l'atmosphère et à l'environnement dans lesquels je me trouvais désormais. C'était comme si je m'étais revêtu de la matière particulièrement dense de cette sphère. Quand j'essayais de me lever et de planer comme auparavant, je n'étais en état de le faire qu'avec de grands efforts. En contrepartie, l'atmosphère ne m'oppressait plus autant et la sensation de paralysie qui s'était emparée plus tôt de mes membres était atténuée.

Chacun d'entre nous reçut alors une provision d'essence plus forte appropriée à notre séjour dans cette sphère, et notre guide nous donna les dernières règles de conduite et de mise en garde.

Hassein vint ensuite vers moi pour prendre congé et me faire part des dernières directives qu'Ahrinziman m'avait envoyées.

-"Je reviendrai de temps à autre, dit-il, t'apporter des nouvelles de ta bien-aimée et de tes autres amis. Tu pourras aussi, à cette occasion, leur envoyer un message par mon intermédiaire. N'oublie jamais qu'ici tu es entouré de toutes parts par le mensonge et la perfidie. Ne crois surtout personne qui déclarera venir à toi comme messager de notre part, sauf s'il peut te donner le signe de notre ordre. Les habitants de cette sphère peuvent même deviner tes pensées, mais ils ne sont pas en état de les lire distinctement. Parce que tu as accepté jusqu'à un certain point, par ton entrée dans leur sphère, leurs propres conditions de vie, ils sont capables de voir une partie de tes pensées, mais cela ne se fait que d'une façon imparfaite et seulement dans les domaines où tes propres basses passions forment encore un pont entre eux et toi.

"Par la mise en œuvre de toutes les forces fin-matérielles, ils ourdiront des plans et des manigances avec la plus grande habileté, pour te tenter et te piéger. Il y a, dans cette région, des êtres humains qui appartenaient aux plus hautes intelligences de leur temps et qu'une carrière sacrilège a cependant fait sombrer dans cette basse sphère où ils dominent tout leur entourage. Ils sont maintenant devenus des esprits encore plus mauvais et des tyrans encore plus despotiques que jadis sur Terre. Tiens-toi donc sur tes gardes et aie à cœur tous les conseils que tu as reçus de nous. Tu recevras, de temps à autre, aide et encouragements de tes amis fidèles jusqu'à la fin de ta mission dont, ainsi que nous l'espérons, tu reviendras vainqueur pour une bonne cause. Adieu, cher ami! Puisse la Bénédiction de Dieu le Père être sur toi!"


A mon grand regret, je me séparai d'Hassein pour me mettre en route avec mes compagnons. La dernière vision que nous eûmes à notre descente était les silhouettes de nos amis vêtus de blanc, qui s'élevaient vers le ciel en nous faisant des signes d'adieu.

A suivre...

Troisième Partie : Le Domaine de l'Enfer (XIX à XXVI)
Quatrième Partie : Par les Portes d'Or (XXVII à XXXIV)