Miang Fong,
le Guérisseur

 

 

Miang Fong est {connu pour être} un « Préparateur de Chemin » du Tibet. Ce fut un Porteur de Vérité, un Enseignant et un Guide.

Mais il fut aussi un Guérisseur, et même un Thaumaturge.

C’est cet aspect-là que nous souhaitons ici illustrer avec le présent extrait, racontant deux Guérisons miraculeuses.

 

U

n soir, Miang-Fong parvint à une grande agglomération dans laquelle régnait une grande excitation. Beaucoup d’hommes s’étaient rassemblés, se parlaient violemment et désignaient l’Ouest. Miang ne comprenait pas la raison de cette excitation. Il s’arrêta en silence près d’un groupe en discussion. À ce moment-là, une femme portant un enfant dans ses bras se détacha de la foule. Gémissant à haute voix, elle allait passer à côté de Miang sans faire attention à lui.

Obéissant à une irrésistible pulsion, il posa doucement sa main droite sur son bras. Ce mouvement silencieux était tellement impératif que la femme s’arrêta involontairement et leva vers Miang ses yeux remplis de larmes.

- « Quelle est la cause de Ta douleur, ma sœur ? », demanda Miang, et le calme de son regard fut comme un baume pour son âme. Elle répondit en gémissant :

- « Ils veulent me prendre mon enfant, prétendant qu’il est impur et qu’il nous porte malheur. Mais je ne le leur donne pas, à aucun prix, qu’ils me tuent plutôt ! »

- « Calme-Toi », dit Miang d’une voix sonore, « personne n’a le droit de prendre Ton enfant, dont le Plus-Haut T’a fait cadeau, afin que Tu en fasses un homme. »

à ces paroles, la femme gémit encore plus fort et l’enfant, un garçon d’environ trois ans, qui avait caché son visage contre le cou de sa mère, tourna son regard vers Miang. Miang s’effraya, car dans les yeux de l’enfant perçait le regard d’une bête sauvage. Il n’avait encore jamais rien vu de semblable.

- « Que se passe-t-il avec Ton fils ? » demanda-t-il doucement, et la femme raconta :

- « Jusqu’à peu de temps, Hun-Fu était un enfant toujours aimable et sage. Il était obéissant et était ma seule source de Joie, puisque je suis veuve. Mon mari est mort dans les rochers, alors qu’il voulait sauver une bête égarée. C’est à partir de ce jour que Hun-Fu changea. Le choc l’a rendu malade après avoir vu le corps défiguré de son père, lorsqu’on le ramena à la maison. Il eut des crampes, puis il mordit et égratigna au réveil tous ceux qui voulaient s’approcher de lui. Maintenant, les gens disent qu’un mauvais esprit est entré en lui et que son âme a suivi son père dans l’Au-delà. Mais j’aime mon enfant et je ne veux pas le donner. »

Tout en parlant, elle serrait passionnément le garçon contre elle. Mais celui-ci devenait de plus en plus agité, comme s’il ne supportait pas la présence de Miang. Il s’échappa des bras de sa mère et la frappa pour qu’elle le lâche.

Miang venait de voir une chose inconnue pour lui. Il vit que l’âme de l’enfant, anxieuse et sans force, était poussée de côté par une ombre noire qui se couchait sur elle et l’empêchait de respirer.

La forme obscure frappait vers lui en criant de sauvages paroles.

- « Laisse-nous partir », demanda la mère.

Miang secoua la tête.

- « Je veux T’aider et aussi secourir Ton enfant », dit-il en regardant fermement dans les yeux de l’enfant pour obliger la forme sombre à se soumettre à sa volonté. En rassemblant toutes les forces de son âme, Miang leva les bras et supplia :

- « Plus-Haut, regarde-nous ! Vois ce pauvre enfant qui est la proie du malin ! Libère-le de son poids ! »

Il pria ardemment et tous autour du groupe écoutèrent comme hypnotisés. Et pendant qu’il priait, le mauvais esprit criait par la bouche du garçon et cherchait à se défendre. Miang posa sa main sur la tête du garçon et la Force des Hauteurs se répandit dans l’enfant.

Avec un cri de colère, le ténébreux quitta sa victime et l’enfant retomba sans connaissance dans les bras de sa mère.

- « Il va guérir ! à présent, laisse-le dormir. L’enfant que Tu retrouveras ensuite sera un enfant nouveau. Mais préserve-le alors du mal, pour qu’il ne s’empare plus de lui. »

Miang avait parlé d’une voix sonore et la Force qui en émanait était si forte que l’on n’osa pas le contredire. Profondément ébranlée, la femme courut vers sa demeure, tandis qu’un homme s’approchait de Miang et demanda :

- « étranger, qui es-Tu ? Que cherches-Tu parmi nous ? »

Miang regarda tranquillement le questionneur avec ses yeux clairs :

- « As-Tu besoin d’aide, puisque Tu me questionnes ? »

- « Vraiment, Tu dois être un Sage, puisque Tu vois immédiatement mon mal », répondit l’homme, d’un ton admiratif. « Ma femme est alitée depuis des semaines, elle ne reconnaît plus personne et refuse de manger. Personne n’a pu la guérir. Puis-je Te supplier de m’aider ? » 

à ces mots, plein de confiance, Miang comprit qu’une nouvelle occasion d’agir se présentait à lui. Il suivit volontiers l’homme, qui se dépêcha, plein de Joie, vers une hutte d’aspect plutôt pauvre.

L’air y était lourd, laissant deviner la proximité d’un malade en danger. Miang s’approcha de la femme, relativement jeune, qui se débattait nerveusement sur sa couche en murmurant des paroles incompréhensibles. L’homme lui parla doucement, mais elle semblait ne rien entendre. Les yeux grand ouverts semblaient fixer quelque chose dans le lointain, dont ils ne pouvaient se détacher et qui la remplissait de terreur.

Miang pria intérieurement, puis il saisit l’une des deux mains agitées et la tint en silence.

Aussitôt, les mouvements saccadés du corps se calmèrent et l’homme le constata avec Bonheur. Il osait à peine respirer. Qu’est-ce que Miang allait faire maintenant ?

Tandis que la main de la femme reposait dans la sienne, Miang ferma les yeux et demanda la Force pour aider cette âme à se libérer de sa peine. Des images se pressèrent devant l’œil intérieur de Miang. Il vit la femme comme jeune fille alerte parmi ses sœurs, comme la plus joyeuse de toutes. Il la vit dans sa propre maison être heureuse à côté de son mari. Puis une ombre tomba sur elle et la saisit. Elle s’effondra en criant et une main sombre lui serra la gorge pour l’empêcher de respirer.

- « Que s’est-il passé le jour où Ta femme est tombée malade ? » demanda gravement Miang, en se tournant vers l’homme.

- « Je ne sais plus, il y a longtemps de cela », dit l’homme, embarrassé.

- « Souviens-Toi ou Ta femme va mourir », exigea Miang.

L’homme se mit à trembler. Il baissa les yeux. Les minutes passèrent, le silence devint lourd. La malade s’agitait en gémissant.

- « Parle ! » ordonna une nouvelle fois Miang. « Tu vois bien que son corps ne supporte plus cette souffrance. »

Et l’homme raconta d’un ton saccadé :

- « Grand Sage qui voit tout, je veux Te dire ce qui pèse aussi sur mon cœur depuis ce jour de malheur et dont je n’ai encore jamais parlé à quelqu’un. Ma femme, Hu-Na, se rendit, un matin, dans le temple pour y porter un sacrifice et demanda que nous ayons un fils, car nous n’avions pas d’enfant et cela était une amertume journalière. Nos anciens sacrifices ayant été vains, Hu-Na voulait offrir un sacrifice plus fort, fait non plus de fruits et de fleurs mais de quelque chose de vivant. Nous étions trop pauvres pour acheter un animal, mais Hu-Na ne me laissait aucun repos. Ainsi, j’ai volé une brebis de mon voisin et je l’ai donnée à ma femme. Heureux, nous avons porté l’animal au temple pour le sacrifier. Le prêtre le tua et nous assura de l’accomplissement de notre souhait. Mais tout fut inutile ! Le désespoir se mit à ronger l’âme de ma femme. Elle ne pouvait voir de petits enfants sans être saisie d’envie. Puis arriva le jour du malheur. »

L’homme hésita. Mais Miang ne le quitta pas des yeux et l’obligea à continuer.

- « Au matin, je vis la couche de ma femme vide. Ne pressentant rien de bon, je me mis à la chercher. Je ne trouvais aucune trace d’elle devant la maison, rien n’indiquait vers où elle avait pu aller. Je me souvins alors qu’elle avait souvent regardé la falaise au-dessus de notre vallée et qu’elle avait dit : « Celui qui saute depuis le haut trouvera le repos. » J’ai compris où je devais la chercher. Gravissant la montagne aussi vite que possible, j’ai découvert ma femme grimpant vers le sommet. Elle serrait un paquet contre elle. Arrivé près d’elle, j’ai entendu un gémissement sortir du paquet. La frayeur m’immobilisa. Mais pendant cet instant, comme mue par une force invincible, elle s’avança résolument vers le bord de la falaise et lança le paquet gémissant dans le vide, en se penchant dangereusement par-dessus le précipice. Elle le suivit des yeux. Au prix de mes dernières forces, je la retins lorsqu’elle voulut s’y précipiter elle-même. Mais alors les forces la quittèrent, je pus la saisir et l’éloigner du bord dangereux.

« Hu-Ha ! Qu’as-tu fait ? », lui criai-je en la secouant.

« Elle se réveilla, comme si elle sortait d’un rêve. »

- « L’enfant ! Il me fallait sacrifier un enfant pour que les dieux m’en accordent un. »

- « D’où as-tu pris l’enfant ? » demandai-je, effrayé.

- « Personne ne m’a vue », dit-elle avec un regard effaré. « Je me suis faufilée furtivement dans la demeure de Fu-Sa pour prendre un enfant. Elle en a encore beaucoup et celui-là ne lui manquera pas. »

- « Je l’ai violemment secouée encore une fois en lui criant avec horreur :

« Et tu as jeté ce pauvre enfant dans le précipice ? N’entends-tu pas ses gémissements ? »

- « écoute ! » dit Hu-Na.

« Et, dans le silence environnant, nous entendions distinctement des cris plaintifs venant d’en bas.

« Hu-Na trembla de tout son corps.

- « Les dieux refusent le sacrifice ! » murmura-t-elle.

« Et elle tomba à mes pieds sans connaissance… Je l’ai portée à la maison. Il ne m’était pas possible de m’occuper de l’enfant, car elle serait morte si je ne m’étais pas occupé d’elle. Il n’y avait pas non plus de chemin vers l’endroit où était tombé le paquet. Depuis elle est couchée là, comme Tu vois. Je T’en supplie, Toi le Sage qui connais maintenant la vérité : aide-la ! Aide la pauvre Hu-Na ! »

Cet aveu ébranla profondément Miang. L’égarement de cette âme pesait comme une paralysante malédiction sur elle et l’empêchait de guérir. Que faire ? Lorsqu’il eût posé sa main sur son front brûlant, il sentit la femme devenir plus calme. Voilà comment les êtres humains s’embrouillent dans des fautes, sans plus savoir comment se libérer de ce filet.

- « Hu-Na, regrettes-Tu ce que Tu as fait ? »

Effrayée, la femme essaya de ne pas l’écouter. Mais Miang ne céda pas et la força à le regarder.

- « Tu as ravi un enfant à sa mère dans la folle pensée que son sacrifice pourrait t’aider ! Ne sais-Tu donc pas que Tu T’es ainsi chargée d’une lourde faute ? Vois la mère pleurer son enfant perdu, et voilà ce qui devait T’aider, Toi, à avoir un enfant ?! Par cela, Tu as barré le chemin à l’âme qui voulait s’approcher de Toi. Ainsi Tu ne peux avoir un enfant. Ta faute Te sépare de lui ! »

Hu-Na pleura à chaudes larmes. C’était comme si la crampe qui n’avait pas cessé de la paralyser se détendait.

- « Que dois-je faire ? » gémit-elle.

- « Répare ce que Tu as fait ! » répondit Miang.

- « Je ne le peux pas ! » gémit Hu-Na. Et ses pleurs se renforcèrent.

- « L‘on peut toujours réparer une faute en quelque chose », la consola Miang. « Je T’aiderai, mais, avant tout, demande pardon au Plus-Haut, Que Tu as vraiment fâché par Ton crime. »

à présent, Hu-Na était prête à tout et Miang put déposer la première semence d’une meilleure Connaissance dans l’âme tourmentée de la pauvre femme. Puis il se tourna vers l’homme :

- « Soigne-la bien pour qu’elle retrouve ses forces », lui commanda-t-il. « Alors je reviendrai pour l’aider encore. »

L’homme essaya de remercier avec enthousiasme, mais Miang l’écarta pour retrouver l’air frais du dehors. Il devint alors plus léger et se mit involontairement à s’éloigner de cette petite agglomération. Bientôt, il se retrouva sur un chemin bordé de buissons en fleurs. Leur parfum le rafraîchit et lui fit oublier l’air oppressant de la chambre de la malade.

Voilà que s’approchait un singulier cortège. Des hommes portant une civière voulaient passer. Mais, poussé par une force inexplicable, Miang les arrêta pour leur demander ce qu’ils transportaient.

- « Nous portons Hung au prêtre », répondirent les hommes. « Il est vieux et son âme est prête à se rendre dans le royaume intermédiaire. »

- « Puis-je le voir ? » pria Miang.

Et les porteurs découvrirent la civière… Miang vit une figure ravinée par le grand âge. L’homme était paisible et respirait faiblement.

- « Où le portez-vous ? », demanda Miang.

- « Dans le temple, pour que le prêtre prononce ses prières et l’aide à trouver le chemin. »

- « Le chemin vers le royaume intermédiaire ? » demanda Miang « Et que fait-il là ? »

- « Il attend là de recevoir un autre corps pour y habiter. Son corps actuel est trop vieux. »

- « Ainsi, vous revenez sans cesse dans un nouveau corps ? » demanda Miang. « Pouvez-vous le choisir ? »

- « Cela nous ne le savons pas », répondirent les porteurs en relevant le brancard pour aller plus loin. A ce moment, quelque chose bougea au pied de l’homme, la couverture glissa et Miang y vit un petit enfant qui le regardait les yeux grand ouverts.

- « Quel est cet enfant ? » demanda Miang et les porteurs lui répondirent une nouvelle fois :

- « Hung l’a trouvé dans les buissons il y a quelques semaines. Il pleurait et Hung l’a récupéré, il voulait le porter au prêtre. »

En un éclair, Miang pensa que cela pouvait être l’enfant que Hu-Na avait jeté. Un sauvetage aussi miraculeux était-il possible ? Les hommes précisèrent l’endroit où Hung avait trouvé l’enfant. Sans aucun doute, c’était un miracle et l’âme de Hu-Na était libérée d’une énorme faute.

- « Donnez-moi l’enfant », dit Miang aux hommes étonnés. « Je sais à qui il appartient et je le porterai à sa mère. »

Les porteurs furent d’accord et Miang prit le léger fardeau pour le porter, le cœur plein de Bonheur, à la hutte de Hu-Na.

On ne l’y attendait pas ! L’étonnement dû à son rapide retour fut grand et lorsqu’il déposa l’enfant dans les bras de Hu-Na, des torrents de larmes lavèrent les restes de son obstination et de son égarement.

- « Maintenant, Hu-Na, Tu peux réparer Ta faute », dit Miang, profondément heureux. « Rends l’enfant à sa pauvre mère et demande-lui qu’elle Te pardonne. »

- « L’obstacle entre moi et l’âme qui veut venir est-il alors enlevé ? » demanda Hu-Na avec hésitation.

Miang acquiesça.

- « Si Tu regrettes sincèrement Ton acte et si Tu es décidée à ne plus jamais refaire une chose semblable, alors tout peut encore être réparé. Que Ton mari porte maintenant l’enfant à sa mère, car Toi-même es trop faible pour pouvoir y aller. »

Et cela se fit ainsi. Fu-Sa arracha l’enfant des bras de l’homme, le serra contre elle et, dans la joie des retrouvailles, elle oublia d’en vouloir à Hu-Na. Quant à Miang, il put de nouveau montrer à des êtres humains heureux quelle miraculeuse Aide avait sauvé l’enfant et aussi de Qui était venue cette Aide. La peine et aussi la Joie avaient ouvert les cœurs.

Et Miang dut leur promettre de revenir pour leur parler du Plus-Haut.

 

Extrait du Livre
« Miang-Fong - Un Rapport sur la Vie du grand Porteur de Vérité qui libéra le Tibet des ténèbres »

 

Récit complet disponible aux

ÉDITIONS DE CRISTAL

 

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