MON TSUNAMèTRE à MOI

 

« Un esprit en éveil peut recevoir, en temps opportun, des Avertissements qui peuvent sauver sa vie et celle de ses proches. »

 

Cette nuit-là, je dormais paisiblement à côté de ma Bien-Aimée, dans le lit douillet de notre petite chambre à l’étage de notre petite maison de pêcheur, au bord du grand océan.

Vers trois heures du matin, je fus réveillé par la voix de soprane de mon Aimée disant très hautement :

-         Elle arrive !

-         Qui arrive ? la questionnai-je, encore embrumé de sommeil, en pensant : « L’on n’a pas idée de réveiller les paisibles dormeurs en pleine nuit ! ».

-         La Grande Vague !

-         Quelle grande Vague ?

-         Celle qui arrive !

-         Où ?

-         Là, sur l’océan ; je l’ai vue ! elle vient sur nous !

-         , je me ressaisis. Je n’eus aucun doute sur ce qu’elle disait et bondis sur mes pieds.

Après avoir sauté dans mon pantalon, je fonçai vers la porte. Je trouvai devant celle-ci le chat Mistigri, qui miaulait désespérément, demandant à pouvoir sortir… Je lui ouvris. Il détala promptement, virant tout de suite vers la droite, puis encore à droite.

Une fois la porte ouverte, je reçus une forte bourrasque en provenance du large. Arrivé sur la terrasse, tout de suite, mon attention fut attirée par le canari, qui tournoyait follement dans sa cage, cherchant en vain une sortie. Jamais il n’avait fait cela. Je m’approchai résolument de lui et lui ouvris la porte ; sans demander son reste, il fonça vers l’ouverture et s’élança vers la terre à tire d’aile, se posant sur une haute branche.

 

 

C’est alors que j’entendis les chevaux ; dans l’écurie, cela faisait un beau tintamarre avec de grands coups de sabots contre les portes des boxes. C’est sûr, ils voulaient tout casser ! J’entrai : Prince, le grand étalon noir était complètement déchaîné et Zoé la jument baie à peine moins. Je m’approchai d’abord de l’étalon. Me voyant approcher, il se calma, de sorte que je pus lui ouvrir son box. Mon idée était de le retenir et de l’attacher dehors, mais lui, d’ordinaire si docile, dès que sa porte fût ouverte, bondit vers la sortie sans me demander mon avis et sans que je puisse le retenir.

 

 

Même la douce Zoé semblait hors d’elle, mais, cette fois, je pris la précaution de fermer la porte d’entrée et de lui passer un licol autour du cou avant d’ouvrir la porte de son box. Lorsque j’eus ouvert la porte de l’écurie, elle se précipita à son tour vers la sortie, tandis que je demeurais accroché au licol. Péniblement, je réussis à l’attacher au grand pin qui se trouvait là.

Puis je me retournai et regardai vers l’océan. Il avait … disparu !

Il semblait retiré, loin… loin…

Dans la maison, Pamela s’activait à rassembler quelques précieux objets et documents.

Enfilant son sac à dos et me tendant le mien, elle me dit simplement :

-         Je suis prête !

Nous sortîmes, sans fermer la maison à clef, et nous dirigeâmes vers Zoé, qui, tant qu’elle pouvait, tirait sur sa longe…

-         Calme-toi, ma belle, lui dis-je, on va y aller.

-         As-tu libéré les poules ? demanda encore Pamela.

-         Ah ! les poules !

Je fonçai vers le poulailler, où ça caquetait un maximum en un furieux remue-ménage. À peine la porte grillagée fut-elle ouverte que le grand coq à crête cannelée fonça vers la sortie, suivi de près par son harem…

 

 

Avec difficulté, tant elle était remuante, nous montâmes tous les deux sur Zoé, Pamela me serrant à la taille.

Elle voulait, tout de suite, prendre la direction de la terre pour rejoindre Prince, mais je la contraignis à longer la rive. Nous devions d’abord aller au village.

Un petit quart d’heure après, arrivés là, nous nous dirigeâmes tout de suite vers la maison du chef de village et tapâmes vigoureusement à sa porte :

-         Debout ! Debout : Il faut réveiller tous les villageois et partir tout de suite !

Il finit par apparaître à sa fenêtre du premier étage, le bonnet de nuit sur la tête.

-         Qu’est-ce que c’est que ce remue-ménage ? Vous voulez que je vous fasse arrêter pour tapage nocturne ?

-         Non, l’on veut juste que vous réveilliez tous les habitants du village pour leur dire qu’ils ont, au plus, deux ou trois heures – peut-être moins – pour quitter le village et se réfugier loin dans les terres.

-         Qu’est-ce que vous dîtes ?

-         Une grande vague va bientôt arriver et elle va tout noyer !!!

-         Ah oui !?! Eh bien si vous ne voulez pas que je vous fasse arrêter pour trouble de l’ordre public sur la voie publique, vous avez cinq minutes pour décamper !

-         Mais c’est très sérieux ! L’océan est déjà bien retiré ; c’est un signe infaillible précédent un tsunami. De plus, ma femme a fait un rêve et tous les animaux décampent.

Mais il ne voulut rien entendre, car nous n’avions pas bonne presse dans le village. Étant donné que nous étions différents d’eux, tant il est vrai que « les braves gens n’aiment pas que l’on suive une autre route qu’eux », nous passions pour des marginaux.

Nous essayâmes alors encore d’avertir différents villageois, mais, partout, nous reçûmes le même accueil exaspéré d’être dérangé au cours du sommeil, sauf dans la dernière maison, un peu à l’écart du village, où vivait, seul, un vieil homme, qui, lui aussi, nous vit arriver de sa fenêtre.

La conversation s’engagea. Pamela lui dit :

-         Bonjour Monsieur, ou bonne nuit ! J’ai fait un rêve

Il répondit :

-         Les rêves sont souvent confus, de sorte que l’on ne peut plus, aujourd’hui, leur accorder la valeur qui, véritablement, devrait leur revenir.

-         Oui, c’est vrai, admit-elle, mais pas celui-là. Il provenait de mon esprit – je le sais-, il était clair et non brouillé.

-         Alors c’est que vous avez un bon cervelet, dit-il. Mais ça c’est l’exception.

-         Pourquoi donc ? demandai-je, interpellé.

-         Parce que la plupart des gens ont un énorme cerveau, qui écrase complètement leur petit cerveau, celui que l’on appelle – ce qui est bien révélateur ! – « cervelet » ! La Terre est aujourd’hui peuplée d’infirmes de l’encéphale.

 

 

-         Et alors ? questionna à son tour Pamela, qu’est-ce que cela fait ?

-         Cela fait que le cervelet, s’il était normal, donnerait à tous les gens en train de dormir de vrais rêves. Cela veut dire que de telles images animées ne seraient pas du tout des rêves, au sens courant et banal, mais - tandis que le cerveau antérieur, lui, est en train de dormir - au contraire, de véritables expériences-vécues de l’esprit, qui seraient ainsi enregistrées et retransmises par le petit cerveau.

-         C’est donc bien mon esprit qui a vu la vague, dit Pamela.

-         Oui. Cela lui a été montré, dit l’homme âgé aux cheveux et à la barbe tout blancs.

-         Et que se passe-t-il lorsque le cervelet ne fonctionne pas assez bien et qu’il est dominé par le cerveau antérieur ? interrogeai-je.

-         Alors l’être humain, comme c’est le cas à notre triste époque, soupira le vieil homme, n’est plus suffisamment – ou même plus du tout - accessible aux Avertissements et Enseignements spirituels donnés par l’intermédiaire du cerveau postérieur.

 

 

-         Et si un tsunami arrive ? demandai-je.

-         Des êtres humains avec un fort déséquilibre entre l’activité du cervelet et celle du cerveau sont beaucoup plus exposés à toutes sortes de dangers, auxquels ils pourraient, autrement, grâce des avertissements spirituels venus de l’Au-delà, ou même du Spirituel, complètement échapper !

-         Pourquoi les rêves sont-ils si souvent tellement brouillés ? voulut encore savoir Pamela.

-         La puissance actuellement prédominante du cerveau antérieur - ou cerveau du jour - exerce encore son influence en irradiant, pendant la nuit, sur le très sensible cerveau postérieur. Celui-ci, du fait de son actuel état de grand affaiblissement, enregistre, encore en plus, les fortes irradiations du cerveau antérieur en même temps que la vivante expérience vécue de l’esprit, ce qui a pour effet de produire un mélange des images provenant de l’esprit avec celles provenant de l’intellect.

-         Ah ! Je comprends, maintenant, s’exclama Pamela, d’où viennent, souvent, les incohérences de certains de mes rêves, lorsque les personnages et les « décors » ne vont pas ensemble…

-         C’est comme lorsque vous prenez deux fois une photographie sur la même portion de pellicule. Fatalement vous obtiendrez deux images superposées. C’est pour cela que la plupart des rêves actuels sont si peu clairs. C’est un effet de « superposition » : une réalité superficielle peut en cacher une autre, plus profonde et plus réelle.

-         Mais qu’est-ce donc qui a provoqué cela ? demandai-je à mon tour.

-         C’est l’un des funestes effets du péché originel devenu péché héréditaire, dit encore le vieil homme : Les êtres humains ne sont, hélas, plus capables d’expérimenter des rêves utiles

-         Voulez-vous dire que je serais ici la seule à avoir fait ce rêve cette nuit ?

-         Non, répondit le vieil homme, pas la seule ! Seulement presque la seule.

-         Alors je vais vous raconter mon rêve, dit Pamela. Étant donné que tout le monde a l’air de nous prendre pour des fous, je serais curieuse d’avoir votre avis.

-         Ce n’est pas nécessaire, dit doucement le vieil homme.

-         Pourquoi donc ?, demandai-je.

-         J’ai fait, cette nuit, le même rêve que vous. C’est pourquoi vous m’avez trouvé à ma fenêtre.

-         Vraiment ? dit Pamela. Alors, vous ne partez pas ?

-         Non, répondit-il, car la fin de mon rêve m’était certainement propre.

-         Et alors ?

-         Je voyais que je survivais.

-         Mais pour survivre, il faut partir tout de suite, dis-je en me retournant.

-         Dans mon rêve, je voyais que je survivais ici même en montant sur le toit de ma maison, qui est solide.

Effectivement, elle avait l’air bien construite avec de bons mœllons solidement agencés par un bon mortier, alors que la plupart des maisons du village étaient en torchis et ne pourraient donc pas résister.

-         Et puis ?

-         Et puis, à mon âge, même si je « partais »…, cela ne serait pas grave… Ma femme m’a quitté l’an passé et j’ai hâte de la rejoindre… Mais vous, partez d’ici, maintenant ! je sens déjà l’eau qui revient…

J’aurais encore voulu savoir comment il savait tout ce qu’il venait de nous enseigner, mais nous ressentîmes soudain l’urgence de partir. Sans plus un mot, nous lui fîmes un signe de tête et, toujours montés sur Zoé, nous dirigeâmes résolument vers la plus proche colline à l’intérieur des terres. Au sommet, précisément, un joyeux hennissement nous salua ; c’était Prince, particulièrement réjoui de retrouver là sa chère Zoé.

De là-haut, au petit matin, nous vîmes, moins d’un quart d’heure après, la première vague arriver. Elle pouvait faire cinq à sept mètres de haut. Dans la lumière de l’aube, notre vieil et nouvel Ami se tenait – imperturbable – sur le faîte de son toit. C’était surprenant de voir la beauté de cette vague, en contraste avec tout le malheur et la souffrance qu’elle était sur le point de provoquer… Nous vîmes le fracas de l’écume autour de lui. Il ne bougea pas. Deux autres vagues suivirent la première. D’où nous étions nous pouvions entendre les cris de terreur des habitants du village soulevés par les flots et emportés par portes et fenêtres…

 

 

Après le retrait de la troisième vague, nous sentîmes qu’il n’y en aurait pas d’autre de cette taille. Lorsque nous redescendîmes en bas, cette fois à pied, nous pûmes constater les ravages :

Comme prévu, à trois reprises, la Vague était arrivée et avait tout recouvert, laissant derrière elle ruines et corps morts !

Nous le sûmes plus tard, en plusieurs pays et pas seulement dans notre petit village, le triste bilan chez les êtres humains était de centaines de milliers de morts !

Par contre, le bilan chez les animaux était bien différent. Parmi les animaux, sauvages ou domestiques, dès lors où ils étaient non enfermés et non entravés : il y avait zéro mort !

Seuls certains animaux domestiques qui, n’ayant pas été libérés à temps, étaient demeurés enfermés ou attachés avec des entraves trop solides pour pouvoir les rompre eux-mêmes avaient péri noyés comme les êtres humains.

Pour l’heure, à la recherche de tout signe de vie persistante, nous retournâmes nous placer là où nous étions quelque deux heures plus tôt. Notre vieil Ami, telle une statue de marbre, avec comme seul signe de mobilité sa longue barbe blanche flottant au vent, était demeuré sur le faîte de son toit, attendant tranquillement la décrue.

Lorsqu’il nous vit, il sembla sortir d’un rêve. Nous voulûmes l’inviter à se joindre à nous pour parcourir le village et voir s’il n’y avait pas encore des gens à sauver.

Comprenant notre intention et devançant notre proposition, il nous dit :

-         Inutile ! Il n’y a pas de survivants.

Je dis alors :

-         S’il y avait eu ici un tsunamètre, tous ces gens ne seraient pas morts !

-         Ils en avaient un ! déclara vivement le vieil homme.

Alors que nous le regardions, étonnés, il regarda Pamela et dit :

-         Vous !

" Moi aussi, j’en ai un ! ajouta-t-il.

Devant son air impérieux et énigmatique, nous n’osâmes pas lui demander où et comment était son tsunamètre.

Alors, Pamela, émerveillée par la fuite des animaux, voulut savoir pourquoi aucun animal libre de sa mobilité n’avait péri. Pourquoi et comment nos chevaux, chat, canari, poules avaient si manifestement « flairé le danger ».

-         Ont-ils un sixième « sens » particulier pour cela ? demanda-t-elle, un sens inexistant ou perdu chez les êtres humains ? Pourquoi Prince, d’ordinaire si obéissant, avait-il fui sans qu’il soit possible de le retenir ? Pourquoi Mistigri, si casanier, avait-il détalé comme un lapin ? Pourquoi le canari Jaune d’Or s’était-il affolé dans sa cage, de même que coq et poules ?

-         Même sans le rêve de Pamela, nous aurions pu être sauvés par la simple observation de nos animaux…, ajoutai-je. Était-ce leur instinct, avaient-ils un inconscient pressentiment de ce qui allait arriver ?

-         C’est, souvent, ce que les êtres humains pensent, dit le vieil homme redescendu à terre, les pieds dans le sol détrempé, mais mettre un nom sur un phénomène n’est pas l’expliquer.

Nous dûmes en convenir. Alors il poursuivit :

-         Les êtres humains ont déjà été dotés par le Créateur d’un « sixième sens » pour être avertis de tels dangers. Ce sixième sens s’appelle l’« Intuition ». Le problème c’est que, en effet, beaucoup – presque tous, en fait - l’ont perdu, mais cela c’est de leur faute ! Les êtres humains n’avaient donc déjà pas, au départ, besoin de ce qui a été donné aux animaux pour être protégés des « catastrophes ».

-         Mais alors, m’impatientai-je, les animaux, comment font-ils donc ?

Comme pour me punir de mon impatience, le vieil homme fit une pause. Il regarda tranquillement le ciel, puis se décida à poursuivre :

-         La raison pour laquelle les animaux fuient en cas de tsunamis ou d’autres catastrophes similaires est très différente de ce que les êtres humains s’imaginent. Les animaux ne possèdent ni la qualité ni la faculté de ce que les êtres humains se représentent avec les mots de « sixième sens » ou même d’« instinct de survie » ! Lors de tels phénomènes, ils ne font, tout simplement, qu’obéir à un avertissement qui leur est donné. Ces avertissements, tous les animaux doués de conscience de leur entourage sont tout à fait capables de les voir, alors qu'il n’y a que très peu d'êtres humains qui sont capables de les observer, car il faut, pour cela, être clairvoyant.

-         Alors, demanda Pamela, les animaux sont-ils clairvoyants ?

-         Oui et non, répondit le majestueux personnage, pas exactement comme nous le concevons pour nous-mêmes, mais quand même. L'âme animale ne provient pas, comme nous les êtres humains, du spirituel, mais d’un Genre de la Création inférieur s’appelant l'Entéallique.

 

 

-         De la partie entéallique de la Création proviennent aussi les êtres élémentaux, comme les gnomes de la Terre et des pierres, les elfes des arbres et des fleurs, les ondines de l’Eau, les sylphes de l’Air, les salamandres du Feu, etc...

-         Ce sont les êtres de la Nature ! s’exclama Pamela, enthousiasmée.

 

 

-         Oui, confirma-t-il en poursuivant : Les êtres de la Nature sont, toutefois, issus d'une autre subdivision de l'Entéallique que les âmes animales. Malgré cela, l’on peut dire qu’ils ont quand même une origine proche, parce que les animaux, comme les entéaux, sont des êtres entéalliques.

 

 

-         Et c’est pour cela que les animaux peuvent voir les entéaux ! s’écria encore Pamela, jubilante. C’est merveilleux !

 

 

Je la regardais avec un étonnement grandissant : Dans son enthousiasme à découvrir les Mystères de la Création en relation avec l’événement que nous venions de vivre, elle semblait avoir complètement oublié la mort et la dévastation autour de nous !

-         Oui, ajouta notre Enseignant, parce qu’ils proviennent du même Genre de la Création, le Genre entéallique, les animaux et les entéaux peuvent mutuellement se percevoir bien plus facilement et naturellement que nous pouvons reconnaître ces créatures entéalliques, nous dont l'origine se situe dans le Spirituel d’un autre Genre, et non dans l’Entéallique.

-         Mais comment les entéaux qui – si je vous ai bien compris, avertissent les animaux et les incitent à fuir une zone devant être sinistrée – savent-ils, quant à eux, qu’une catastrophe va ici se produire ?

-         Qui sait le mieux qu’une catastrophe va se produire que ceux qui la déclenchent ?

Un profond silence suivit cette question. Sans que nous ayons de nouveau questionné, le Sage reprit :

-         Les êtres élémentaux savent, en effet, exactement et quand un bouleversement doit se produire dans la nature, car ce sont eux qui préparent et provoquent, du fait de l’érosion, les éboulements rocheux, les glissements de terrains, les effondrements montagneux, les chutes d'arbres, les ruptures de barrages, les geysers, les éruptions volcaniques, les tremblements de terre, les tsunamis, et tout le reste…

-         Mais alors, dis-je naïvement en désignant du regard et du geste la dévastation autour de nous, ce sont ces êtres qui sont responsables des malheurs des êtres humains.

-         C’est là un point de vue humain…, dit le vénérable vieillard en lissant sa longue barbe de sa main gauche.

-         Humain, peut-être, mais compréhensible ! renchéris-je.

-         Non, dit-il fermement. L’être humain s’est, à tort, considéré comme le centre de l’Univers et s’imagine que tout devrait être exclusivement pensé en fonction de son bien-être et de son confort. En réalité, en fonction de sa paresse ! surenchérit-il. Mais il n’en est pas ainsi.

Tandis que je le regardais, étonné, il poursuivit :

-         Si l’être humain s’est lui-même volontairement rendu inapte à entendre les Avertissements venus de la Lumière, c’est son problème !

Et il monta le ton pour affirmer :

-         Et il n’a pas le droit d’en rendre responsables d’autres créatures de Dieu comme lui ! Et encore moins Dieu Lui-même ! Car à la désobéissance et au mépris des précieux Dons du Créateur, il ajouterait encore le blasphème et le sacrilège ! tonna-t-il.

Je me sentis parcouru d’un frémissement. Pamela et moi nous nous regardâmes et je vis dans ses yeux clairs qu’elle ressentait la même chose que moi : Les choses étaient exactement comme ce vieillard venait de le dire.

Après un silence, Pamela demanda encore :

-         Alors, comment les êtres de la Nature – les « entéaux » comme vous dîtes – font-ils donc pour avertir les animaux des catastrophes qu’ils vont eux-mêmes déclencher ?

-         Eh bien, dit-il avec un sourire, ils se placent sur leur chemin et essayent, par des cris et des mouvements violents, de leur faire faire demi-tour ou de les diriger dans une direction déterminée. L'animal qui voit, devant lui, plus ou moins distinctement – parce qu’il ne les voit quand même pas aussi nettement que des entéaux du même genre voient d’autres entéaux - ces formes entéalliques, du coup, s'effraye, son poil se hérisse, et il s’efforce, autant qu’il peut, soit de s’arrêter pour ne pas aller au devant de la forme qui l’effraye, soit de se diriger dans la direction opposée à celle d’où vient le danger. C’est ainsi que même un animal domestique très bien dressé, en de telles circonstances, refusera obstinément d’obéir à son maître.

-         Alors, il est prudent de toujours se promener avec un animal ! dit Pamela.

 

 

-         Oui, et même d’en avoir chez soi ! ajouta le vieil homme.

-         Surtout quand on habite au bord de la mer ! ajoutai-je.

-         Oui, confirma-t-il. C’est très utile, surtout lorsque l’être humain ne sait plus rêver et qu’il a perdu son Intuition ! L'être humain, en effet, ne voit pas ces êtres élémentaux qui s’agitent devant les animaux pour les protéger. C’est pour cela que, bien souvent, il s’en va, insouciant, au-devant du danger, ou bien reste chez lui lorsqu’il faudrait fuir, et lorsque la catastrophe arrive, elle se transforme, pour lui, en désastre, dans lequel il périt ou se trouve gravement mis à mal.

-         Alors que cela pourrait, autrement, beaucoup mieux se passer ! s’exclama Pamela.

Et notre nouvel Ami conclut son propos en disant :

-         Il y a des êtres humains qui sont des Amis des animaux, mais les animaux aussi peuvent être les meilleurs Amis des êtres humains. Il faut juste que les êtres humains deviennent capables de les observer et de les comprendre. Car les animaux sont, eux, capables de voir ceux que les êtres humains ne voient plus et ne sentent plus et ils peuvent, à cause de cela, se rendre, pour les êtres humains, encore beaucoup plus utiles qu’ils ne le sont autrement.

Tandis qu’il achevait de parler, nous entendîmes un bruit de pas derrière nous. Surpris, nous nous entreprîmes de nous retourner en nous demandant qui avait bien pu survivre dans le village…

Mais avant que nous ayons effectué un demi-tour complet, le seul homme du village – et qui était aussi le plus âgé ! - à avoir survécu dit :

-         Ah ! Voilà mon tsunamètre !

 

 

à ce moment-là, nous aperçûmes un charmant jeune chien qui, revenant, lui aussi, des collines, vint lécher la main de son maître.

Puis, je regardai Pamela et dis, débordant de Gratitude :

-         Et voici mon Tsunamètre à moi, celui que le Créateur m’a donné pour mon sauvetage.

-         En plus de Prince, Zoé, Mistigri, Jaune d’Or et les autres, conclut-elle modestement.

 

 

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9 Mars 1957 : Tsunami dans le Pacifique. Avertissement du Centre des Tsunamis de Honolulu : Aucune victime.

13 Novembre 1970 : Pas d’avertissement connu d’aucune sorte : 500 à 800.000 disparus au Pakistan Oriental.

26 Décembre 2004 : Tsunami dans l’Océan indien ; les êtres humains non seulement n’entendent plus les Avertissements mais ne sont plus capables d’observer et de comprendre les animaux, sauf exception. En plus, il semble qu’ils ne s’avertissent pas eux-mêmes : autour de 300.000 victimes ! Pourtant :
- Au Sri Lanka, pas un éléphant n'est mort, ni le moindre lièvre ou lapin.
- Sur l'île de Taprobane (Sri Lanka), peu avant le séisme, une colonie de chauves-souris se met à voler en plein jour pour une raison inconnue.
- Sur l'île de Ko Phi Phi (Thaïlande), le capitaine d'un navire de plaisance, remarquant que des milliers de poissons s'enfuient vers le large, fait rembarquer ses passagers. Ils seront sauvés des vagues.
- Les éléphants ont pressenti, eux aussi, le drame. Très tôt le 26 décembre au matin, ils se sont mis à pleurer et à donner de la voix. Ils ont brisé leurs épaisses chaînes pour se mettre à l'abri. Ce qui a sauvé des humains.

 

Julien Le Scouézec


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