A VERSER AU DOSSIER DE "MALLONA"
Deux articles extraits de "PLANETE" (N°8)

OUI, LA VIE EXISTE AILLEURS !
par Charles-Noël MARTIN (*)


"Aucune humanité ne pourra vaincre le cosmos
sans avoir atteint à un mode de vie supérieur."
EFREMOV

(Cité par PLANETE N°6)


(*) Charles-Noël Martin est un chercheur et vulgarisateur scientifique mondialement connu. Il a publié dix ouvrages de science et de vulgarisation qui totalisent quarante traductions en douze langues étrangères. Il a également rédigé une importante bibliographie avec des commentaires sur l'œuvre mathématique et humaniste d'Albert Einstein, et écrit un ouvrage de philosophie intitulé L'HOMME GALACTIOUE, introduction à la philosophie du troisième millénaire. Il a été à l'origine de la diffusion en France des travaux effectués aux USA sur la présence de la vie fossile dans les météorites, travaux qu'il a exposés pour le grand public par la presse, la radio, la télévision, des livres, etc.


Il existe dans tout le système solaire des courants de cailloux. Ces fleuves de pierres sont invisibles, mais la Terre, dans sa course circumsolaire, les traverse.

Que l'on imagine, dans le noir des espaces interplanétaires. ces petites agglomérations soumises aux lois de l'attraction solaire et qui se déplacent, comme les planètes, en un cycle éternel, à des dizaines de kilomètres par seconde.

Des pierres, grosses comme une maison, se suivent à des millions de kilomètres. D'autres, comme une tête, sont à des dizaines de milliers de kilomètres. Des cailloux comme le pouce, et plus petit encore, comme un grain de blé, sont à quelque centaines de kilomètres. Et le tout baigne dans des poussières espacées de quelques centaines de mètres.

Ces fleuves interplanétaires suivent un cours défini et l'astronome est capable d'en dessiner les sillages. D'ailleurs, il s'aperçoit que ces trajectoires sont celles de certaines comètes. Les "astres chevelus" sont visibles momentanément lorsqu'ils se rapprochent du soleil, mais leur existence anonyme, invisible, n'en est pas moins certaine. Il y en a des milliers avec, de part et d'autre de leur noyau, l'extension des matériaux pierreux que nous venons de révéler. La Terre, dans sa ronde spatiale autour du soleil, en balaye quelque cent mille milliards de kilomètres cube chaque jour ! Cet "essuyage" vertigineux fait que nous rencontrons sans cesse les poussières, les petits cailloux, les grosses pierres éparpillées qui tombent sur nous en une pluie incessante. Ce sont les météorites ou étoiles filantes. Une étoile filante, dite encore "météore" est la trace lumineuse produite par une météorite quand celle-ci vient frapper le globe et s'enflamme par suite du frottement dans les très hautes couches de l'atmosphère.

Très régulièrement, chaque année, la Terre traverse plusieurs de ces fleuves. Ce fut le cas, entre le 9 et le 17 août 1892, avec un maximum dans la nuit du 12 août. La "pluie" de météores, dits "perséides", a produit un magnifique feu d'artifice, toutes les étoiles filantes semblant venir de la constellation de Persée. Des observateurs soviétiques ont calculé à cette occasion que les météorites pesaient en moyenne une fraction de gramme et se trouvaient distantes les unes des autres de 700 kilomètres au début du courant, le 7 août, pour n'être plus qu'à 250 km le 12, et retomber à 550 km à la fin, le 17 août.

Ceci est valable pour les étoiles filantes, celles que l'on peut voir, mais la Terre essuie une quantité de matière spatiale invisible autrement considérable, évaluée à cinq mille tonnes par jour. S'il n'y avait pas d'air, si la Terre était une planète sans vie parce que sans atmosphère - donc sans eau - comme la Lune, cette agression perpétuelle l'aurait recouverte d'une couche de poussières cosmiques de plusieurs mètres d'épaisseur, en sa totalité, depuis quatre milliards d'années.

CINQUANTE MILLE TONNES TOMBEES DU CIEL

Beaucoup plus rarement, si elles sont importantes à l'entrée atmosphérique et ne sont pas entièrement volatilisées, les météorites parviennent au niveau du sol. Ce sont les fameuses "pluies de pierres" qui provoquèrent les antiques croyances. Traitées avec dédain par la science officielle, la réalité des chutes de pierres célestes ne fut reconnue qu'en 1803, lorsque le physicien Biot alla faire un rapport sur place, à L'Aigle, dans l'Orne, après le déluge du 26 avril 1803, où trois mille fragments tombèrent sur des kilomètres à la ronde, en un vacarme extraordinaire, entendu par des provinces entières. Certains morceaux pesaient plus de dix kilogrammes. Il fallut bien que l'Académie des Sciences admette "qu'il tombait des pierres du ciel". D'ailleurs, des savants étrangers avaient depuis longtemps admis cette réalité : le physicien allemand Chladni, dès 1790 reconnaissait dans certaines pierres à inclusion métallique une origine extra-terrestre certaine.

On retrouve en effet, de-ci de-là, des météorites tombées au cours des millénaires passés. On a reconnu actuellement environ 1.600 météorites, mais il y en a sans doute bien davantage.

Dans les temps très reculés, de gigantesques météorites ont frappé la Terre. On les reconnaît à leurs cratères fossiles révélés par la photographie aérienne, au Canada, par exemple. Ces cratères ont jusqu'à cinq cents millions d'années. La météorite record est tombée voici deux- cents millions d'années en Afrique du Sud. Elle a provoqué un cratère de cent kilomètres de rayon, défoncé la croûte solide du globe et fait jaillir le magma pâteaux dont les volcans nous offrent quelques échantillons dans la lave. La projection de cette lave a éclaboussé une partie de la Terre. Il se peut même que les tectites, ces petits morceaux de rochers vitrifiés qui sont éparpillés sur le sol de certains déserts, soient des vestiges de ces quelques chutes catastrophiques.

DIX-NEUF PIERRES CONTENANT DE LA VIE

Mais revenons aux morceaux de taille habituelle. Sur mille trois cents météorites bien étudiées, éparpillées dans tous les muséums de la planète, cinq cents sont métalliques, à base de fer, sept cents sont pierreuses, cent sont d'un type intermédiaire, à la fois siliceux et métallique. Mais les météorites en pierre sont difficiles à repérer: elles se cachent par terre, par "mimétisme", serait-on tenté de dire. Bien des grosses pierres, dans les campagnes, auxquelles nul ne fait attention, viennent sans doute du ciel... Si l'on se réfère à la composition relative des météorites tombées depuis deux siècles et reconnues comme telles, il y a 94% de météorites pierres, 5% de fer et 1% intermédiaire.

La plupart des météorites pierreuses, constituées de nodules, sont dites "chondrites". Une sur dix seulement est tout à fait analogue à nos roches basaltiques uniformes. La structure tourmentée, en agrégat de silicates avec des inclusions métalliques de fer et de nickel, est donc assez caractéristique des pierres extra-terrestres. Mais il en est quelques-unes très rares, faites de chondrite noirâtre, petits paquets charbonneux contenant des grains, eux-mêmes enrobés dans des amas pierreux et ferreux. Cette matière friable, qui rappelle le terreau, est plus ou moins abondante dans chacune de ces météorites dites chondrites charbonneuses.

Or, nous savons aujourd'hui que ces météorites contiennent des traces de vie.

Nous voilà en présence de messagères des mondes habités. Des chondrites charbonneuses, il en est tombé dix-neuf depuis 1800. A s'exprimer avec rigueur, il faut dire que l'on en a vu tomber et recueilli dix-neuf. En réalité, il en est sans doute tombé davantage: des régions désertiques en ont sûrement reçu, sans parler des océans. Cent cinquante, deux cents chondrites charbonneuses peut-être, sont venues nous apporter la grande nouvelle depuis un siècle et demi. Mais nous n'en possédons que dix-neuf, dont la matière constitue sans doute la substance la plus précieuse, sinon la plus rare: une trentaine de kilogrammes tout au plus...

EN FRANCE D'ABORD

Singulièrement, c'est la France qui a reçu d'abord ces étranges visiteuses. C'est à Alès que tomba la première chondrite charbonneuse recueillie le 15 mars 1806. Puis, en 1835, à Simonod, dans l'Ain ; ensuite à Orgueil (Tarn-et-Garonne) le 14 mai 1864; et enfin à Lancé et Othon (Loir-et-Cher) le 23 juillet 1872. Depuis, plus rien. Au XXème siècle, ce sont les Etats-Unis qui reçoivent les chondrites charbonneuses. Viendraient-elles tomber là où la science est prête à les interroger? "Je porte en moi de merveilleuses informations, analysez-moi !" Elles disent ceci en leur langage hermétique que nous commençons à peine à déchiffrer. Aux U.S.A., il y a eu Felix en 1900; Crescent en 1936; Santa Cruz en 1939; Murray en 1950. Et, enfin, la toute dernière, à la frontière du Mexique et du Texas, en 1961, mais qui a eu la fâcheuse idée de choir dans de l'eau sale alors que les savants qui les étudient ont grand soin d'éviter toute poIlution terrestre, faisant la chasse aux quelques microbes, spores ou grains de pollen venus se coller contre les précieuses substances.

LA VIE EXTRA-TERRESTRE EST UN FAIT DEMONTRE

C'est donc la France qui eut l'honneur d'entendre le coup de trompette céleste, lequel annonçait: "La Vie existe ailleurs que sur Terre." Ce fut plus exactement un roulement de tambour, un grondement d'artillerie soutenu, accompagnant un météore éblouissant, ce 14 mai 1864, à 8 heures du soir.

Vingt pierres du ciel s'abattaient sur Orgueil, village proche de Montauban. La plus grosse était comme une tête d'enfant. Elles étaient bouillantes encore de leur passage à travers l'atmosphère: un paysan se brûla la main en y touchant. Les fragments furent morcelés et dispersés par les curieux. Le plus gros est au musée de Montauban sous un châssis de verre, offert à la ville par le maire d'Orgueil. Le Muséum d'Histoire naturelle de Paris en possède plusieurs. De nombreux muséums dans le monde en ont acquis également, dont le British Muséum et des muséums de l'Est. A New-York, un échantillon est parvenu jusqu'au milliardaire John Pierpont Morgan, qui l'acheta à un collectionneur et l'offrit, plus tard, en 1900, au Muséum de la ville de New York.

C'est ce petit fragment qui a déclenché un immense mouvement dans la science contemporaine, mouvement irrésistible dont nous pouvons affirmer, sans crainte d'être contredit par les faits ultérieurs, qu'il ira très loin.

D'ores et déjà, et malgré les dénégations véhémentes de quelques spécialistes dont le tort est de nier sans même prendre le soin d'expérimenter et d'observer par eux-mêmes, on peut estimer à 99% la preuve que la vie extra-terrestre est un fait démontré.

LE REFUS DE LA SCIENCE CLASSIOUE

Dès 1836, des chimistes aussi réputés que Berzélius analysèrent cette curieuse substance noirâtre incluse dans les chondrites de ces météorites déconcertantes. Ils firent leurs analyses sur les pierres tombées à Alès. La conclusion était extraordinaire. Cette substance charbonneuse contenait beaucoup d'eau étrange pour une matière venue des espaces interplanétaires où il ne peut y avoir d'eau à l'état libre. Enfin, la structure de cette substance rappelait curieusement la matière organique, la matière vivante.

Au moment de la chute spectaculaire d'Orgueil, la chimie avait progressé. Ce fut Berthelot qui analysa les fragments. Il parvint à la même conclusion : 6% au moins de structure organique. Mais, voilà bien ce qui hérisse les spécialistes actuels : la frontière entre ce que l'on appelait "organique" et inorganique ou "minéral" s'est estompée. On appelait organique, après les travaux de Berthelot, ce qui est sécrété et élaboré par un organisme vivant. A l'époque, la chimie était incapable de reproduire ces substances, d'où la séparation en deux domaines bien distincts, la vie ayant le privilège exclusif de faire ce que l'homme ne savait pas faire. Aujourd'hui, le chimiste synthétise presque tout, y compris les hormones, les macromolécules, les protéines, substances les plus complexes du domaine vital. Et l'on s'aperçoit également que cette synthèse est relativement aisée, possible même à l'échelon cosmique. Que des corps chimiques aussi élémentaires que l'ammoniac, l'hydrogène, l'azote, le charbon et l'eau soient mélangés et soumis à des étincelles électriques ou à des particules atomiques, et l'on voit se structurer des acides aminés, voire des molécules lourdes, tout comme la vie le fait dans ses phases initiales.

Il est alors aisé de rétorquer aux analyses que les météorites nous apportent simplement des substances qui se sont élaborées au fil de millions d'années, sur des pierres isolées et soumises aux rayonnements, aux influences solaires ou inconnues. Tout récemment, on a dit que la Lune était peut-être recouverte d'hydrocarbures analogues à notre pétrole, vestiges de la protomatière dont les matières ont été faites avant de s'agglomérer et prendre forme.

Aussi, lorsque, en 1909, l'analyse de la chondrite charbonneuse de Makoja (Nouvelle-Zélande) ou celle, en 1953, de Cold Bokkeveldt (tombée près du cap de Bonne-Espérance) confirmèrent une fois de plus l'organicité des inclusions noirâtres, l'indifférence la plus totale en accompagna la publication. La Science, avec une majuscule, celle qui croit tout savoir, refusait d'examiner, son credo étant basé sur la "loi" suivante : "Je ne crois pas à la vie extra-terrestre, donc il n'y a pas de vie extra-terrestre."

L'AFFAIRE NAGY

En 1961, trois jeunes scientifiques américains, doués d'imagination, de beaucoup d'ardeur et d'un certain courage, entreprirent d'étudier un fragment de la météorite d'Orgueil en faisant appel aux techniques très élaborées dont l'arsenal chimique dispose maintenant. C'étaient trois chimistes : le pro-fesseur Bartolomew Nagy, le docteur Douglas J. Hennessy, l'un et l'autre du département chimique de l'Université Fordham à New York, et le docteur Warren G. Meinschein, à l'Esso Research and Engineering Cie, de Linden (New Jersey).

Ils se procurèrent dix grammes "d'Orgueil" prélevés sur le petit morceau cédé par Morgan au Museum de New York, et ils l'analysèrent en vue de déterminer la structure des substances "organiques". Le résultat fut étonnant. Il s'agissait de molécules lourdes, des chaînes à 19-21 et 23 atomes de carbone, très analogues au fond, bien que différentes dans le détail, à nos chaînes de matières grasses (beurre, cires végétales, et même de certaines hormones sexuelles !). Du terreau, de l'humus pris dans un sol fertile quelconque, contient de telles molécules sécrétées par les myriades de micro-organismes qui y prolifèrent.

Fin 1961, une analyse similaire, faite en Nouvelle-Zélande sur la chondrite charbonneuse de Mokoia (tombée en 1908), confirma entièrement ces conclusions.

Est-ce à dire que les barrières allaient s'écrouler ? On parla simplement de "contamination terrestre" pour expliquer les mesures des trois chimistes, exactement comme si ces chercheurs avaient été incapables d'y songer eux-mêmes. Leur travail examinait précisément cette éventualité et la rejetait pour plusieurs raisons. D'autre part, les conclusions en elles-mêmes l'éliminaient puisque, rappelons-le, les chaînes carbonées découvertes sont analogues, mais non exactement semblables, à celles observées sur les métabolismes terrestres.

Bartolomew Nagy, après avoir publié ses résultats, avec les deux co-auteurs, dans les Annales de l'Académie des Sciences de New York, entreprit, cette fois avec un jeune microbiologiste du Medical Center de l'Université de New York, le docteur Georges Claus, des observations directes au microscope.

Les deux savants prélevèrent dans les zones profondes des chondrites de petites quantités de poudre charbonneuse, et, après broyage, en étalèrent quelques milligrammes sur des lames porte-objet. Ils firent également des préparations par sections pétrographiques, c'est-à-dire qu'ils coupèrent des tranches de très fine épaisseur, suffisamment minces pour être transparentes à la lumière, mais permettant l'observation en profondeur de zones laissées intactes.

CE QUE J'AI VU AU MICROSCOPE

J'ai eu le privilège et l'émotion de contempler moi-même, pendant toute une journée, ces magnifiques tableaux d'art, aux formes et aux couleurs somptueuses. La vision au microscope binoculaire, avec un grossissement mille, est un spectacle inoubliable. Une lente exploration de ces images permet de découvrir, entre des formes extraordinaires de "montagnes" et de "vallées" plus ou moins sombres sur un fond jaunâtre, de toutes petites organisations aux contours étranges, plus ou moins réguliers, qui se différencient immédiatement du chaos environnant. Il est difficile de préciser ces formes dès l'abord car elles ont trois dimensions. Il faut faire varier la profondeur du champ du microscope, explorer en épaisseur, ce qui révèle entièrement l'organisation du microfossile.

Car ce sont bien des micro-organismes fossilisés que l'on découvre ainsi. Les millions d'années dans leur gangue minérale les ont figés. Ils se sont imprégnés de sels et sont devenus pierreux, tout comme ces troncs d'arbres pétrifiés que l'on admire dans les musées, transformés en marbres. Les formes observées sont assez différentes des formes analogues de micro-organismes terrestres. Elles rappellent certains grains de pollen dont l'atmosphère terrestre est remplie, ce qui a permis aux négateurs acharnés d'affirmer qu'il s'agissait justement de grains de pollen ayant pollué la météorite. Mais les patients observateurs américains ont découvert une trentaine de types différents de structures, et cela dans plusieurs météorites, aussi bien dans celle d'Orgueil - qui recèle le plus de microfossiles et les plus différenciés - que dans celle d'Ivuna (Tanganyika), tombée en 1938, et de Murray (U.S.A.), tombée en 1950. Leur découverte est corroborée en U.R.S.S. par des observations parallèles faites sur la chondrite charbonneuse de Mighei (tombée en 1889).

L'organisation qui emporte la totale adhésion et qui fait jeter un cri d'admiration quand on la voit est une singulière cellule hexagonale tripode (ou tétrapode). On y voit une masse centrale enfermée dans un hexagone. Cet hexagone est probablement un polyèdre, trois des faces plus épaisses laissant passer une tubulure très nette d'où s'échappe un pinceau qui vient s'affiner sur une limite circulaire, granuleuse, vestige très probable d'une membrane. Cette vision est indiscutablement ce qu'il y a de plus beau et de plus profond dans ce que le microscope a jamais révélé. Pour la première fois, un organisme complexe extra-terrestre est contemplé par l'œil humain. il ne ressemble en rien à ce que nous connaissons ici ; ses dimensions sont de l'ordre de vingt microns (le micron est le millième de millimètre). Nagy et Claus en ont trouvé six en tout, à la date d'octobre 1962, dont quatre dans les quelques milligrammes de la météorite d'Orgueil.

Il nous reste maintenant à revenir au stade initial de cette étude. Les météorites tombent sans cesse sur la Terre, venues des espaces extra-terrestres. Certaines d'entre elles portent de pauvres mais bien émouvants vestiges d'une vie extra-terrestre aussi. Une question se pose alors tout naturellement: "D'où viennent les météorites, quelle est leur origine, depuis combien de temps voguent-elles, et quand ces micro-organismes vivaient-ils?"

A ceci, quelques indices seulement peuvent donner des embryons de réponse. Météorites, comètes et astéroïdes sont en étroite liaison, si étroite que leur origine est probablement commune. L'anneau de planétoïdes fragmentés, entre Mars et Jupiter, est bien connu des astronomes, qui cataloguent deux mille de ces blocs rocheux énormes ou minuscules. Or, entre Mars et Jupiter, il y a place pour une planète, dite Phaéton, qui manque visiblement. De là à penser que Phaéton a bien existé mais a été fracassée pour une cause énigmatique, il n'y a qu'un pas. Ce pas, nous le franchissons d'autant plus allègrement que cette hypothèse explique du même fait la physionomie grêlée de la Lune, bombardée par d'énormes météorites depuis des centaines de millions d'années, comme l'attestent les cratères fossiles identiques repérés sur la Terre.

La planète brisée nous donne aussi la composition fer, ou fer-pierre ou pierre, des météorites, car cette triple possibilité reproduit bien une structure analogue à celle de la Terre, au noyau métallique et aux roches basaltiques périphériques.

Jusqu'aux comètes, faites de substances volatiles, qui pourraient être l'agglomération errante de l'ancienne atmosphère de Phaéton. Quant aux chondrites charbonneuses si rares, avec leur eau, leur cire et leurs micro-organismes, ne serait-ce pas le limon, la tourbe séchée d'une pellicule biosphérique où les "microbes" spécifiquement phaétoniens proliféraient, tout comme nos microbes prolifèrent dans notre humus?

Le temps de vol des météorites est donné par l'analyse de la radio-activité induite dans la substance même par le rayonnement cosmique. Il en ressort que les météorites se fragmentent au fil du temps, par choc entre elles ou tout autre mécanisme inconnu. Mais le temps maximum paraît être d'un milliard d'années. Les roches météoriques, d'autre part, par la radio-activité de l'uranium, ont, tout comme les roches terrestres, quatre milliards d'années d'ancienneté. Ceci laisse une belle marge pour la biogénèse et nous savons que la vie sur notre globe doit avoir deux à trois milliards d'ans sous sa forme micro-organique et primitive.

Nous voilà donc devant un grandiose tableau. Celui d'une planète où la vie est née, s'est accrochée, développée. Jusqu'à quel point ? Le saurons-nous jamais ? Un cataclysme cosmique entraîna sans doute la dislocation de cette cinquième planète et, depuis, ses vestiges sillonnent les espaces interplanétaires, s'émiettant progressivement et bombardant au passage planètes et satellites naturels. Ainsi Mercure, Vénus, la Terre, la Lune, Mars, Jupiter, Saturne reçoivent-ils constamment des éclaboussures de vie, d'une vie cosmique éteinte depuis longtemps.

Les premières conclusions de l'analyse, encore à ses débuts, de notre météorite charbonneuse d'Orgueil, nous procurent une information capitale pour la philosophie humaine : "La Vie existe partout, puisqu'elle existe (ou a existé) sur au moins deux planètes."

Charles-Noël MARTIN

Avant-Propos
de Léopold ENGEL